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Interviews et Tribunes libres 2013 - 2012 - 2011d


Fabrice Peltier,
Designer de packaging et artiste engagé

Vous avez « designé » plus de 12 000 produits de grande consommation. Fabrice Peltier, qui êtes-vous ?
Je suis designer spécialisé dans la création d'emballages, mais surtout un être humain qui a pour passion de vivre dans la nature dès qu'il peut s'échapper. Mon métier et ma passion n'ont pas véritablement de lien commun. Cette sensibilité à l'environnement, je l'ai depuis tout petit. J'ai la chance d'être né dans une famille extrêmement consciente de ces problèmes environnementaux. Je passais par exemple toutes mes vacances en Ardèche, au milieu de nulle part et je faisais également déjà partie d'une association de défense de l'environnement en Lozère (France), où nous vivions : je nettoyais des dépôts d'ordures sauvages pour rendre la nature un peu plus propre. Le premier concours de dessin que j'ai gagné était celui de l'UNESCO qui prônait l'éducation comme valeur la plus importante pour protéger l'environnement. J'ai ensuite, dès 1985, presque naturellement, amené cette idée dans mon métier : celui du design de packaging. Mais la question ne porte pas sur la responsabilité ou l'irresponsabilité du packaging. Il s'agit d'une question « d'éco-responsabilité » globale dans le cycle de consommation, cycle dont le packaging n'est qu'un élément.

Qu'est-ce que l'art du design packaging ?
Le packaging est une activité créative qui me permet, depuis plus de trente ans, de m'interroger et de me remettre en question quotidiennement. Il m'a aussi entraîné vers une démarche artistique personnelle et engagée dans « l'art recyclé ». Je récupère les déchets d'emballage, les nettoie, les démonte, en choisis les pièces intéressantes pour réaliser des installations, des sculptures et des objets utiles ou futiles. En pratiquant le détournement artistique des déchets d'emballages, je souhaite changer le regard du public sur ce qui pour lui, est une matière première noble à laquelle il est impératif de redonner une seconde vie. En évitant que le carbone contenu dans ces matériaux ne soit rejeté dans l'atmosphère, en les transformant par le travail et l'imagination, nous ouvrons peut-être la voie à une nouvelle révolution, post-industrielle, où réinventer est bien plus important qu'inventer, où le nouveau et le beau ne sont pas toujours neufs. Bref, j'aime le pack et encore plus le recycler !

Pourquoi avoir créé la Designpack Gallery ?
La Designpack Gallery est justement un espace dédié à la promotion de l'Art du Design Packaging. Je l'ai créée en 2008 parce que je suis convaincu, comme le prônait l'UNESCO dès 1977, que l'éducation est le meilleur moyen de sauvegarder la planète. Forte de son succès, j'ai commencé à créer des œuvres diverses et variées parmi lesquelles un lustre géant en forme d'arbre réalisé avec près de 6 000 bouteilles en plastique récupérées et éclairé avec 230 ampoules basse consommation. Après une première vie au BHV à Paris (Bazar de l'Hôtel de Ville), celui-ci est aujourd'hui installé dans le hall du IVe arrondissement de la Mairie de Paris. Sa troisième vie se fera au collège Couperin, où il sera déplacé sous peu. L'objectif du collège est de mener une action remarquable dans la valorisation du recyclage et de la sensibilisation des collégiens à cette problématique. Je suis également à l'origine de l'Allée du Recyclage, un nouvel espace d'exposition dans les couloirs du métro parisien pour encourager le tri et le recyclage des emballages usagés, ainsi que la mise en valeur des bonnes pratiques en matière de prévention et de réduction des déchets. Depuis un an, la galerie est devenue une boutique et une librairie. J'ai transféré l'intégralité des expositions et créations dans l'Allée du Recyclage, qui reçoit en moyenne près de 1 000 visiteurs par jour, voire 3 000 à certaines époques de l'année, alors que la Designpack Gallery recevait quotidiennement à l'époque environ une centaine de visiteurs. C'était devenu compliqué pour moi de pouvoir gérer l'ensemble. Le message de cette Allée est de toucher les gens grâce au côté émotionnel de l'objet. C'est une galerie d'art et d'artisanat pour expliquer le tri, le recyclage… de façon didactique, ludique et positive. Je veux rendre le geste de jeter beaucoup plus « fun ».

Un autre regard sur le packaging 

Selon vous, quelles sont les raisons d'aimer le « packaging » ?
Pourquoi les marques de grande consommation prennent-elles autant de soin pour envelopper, empaqueter, emboîter, embouteiller leurs produits, alors que quasiment tous les emballages finissent leur vie dans une poubelle ? Pour répondre à cette question, il convient juste de rappeler quelques fonctions élémentaires de l'emballage et une exigence primordiale à sa réalisation. En premier lieu, le conditionnement doit protéger, conserver et valoriser ce qu'il contient : le produit. Il doit aussi communiquer avec le consommateur, expliquer la nature du produit, donner des informations légales et convaincre sur ses qualités pour susciter l'acte d'achat. Enfin, il doit satisfaire son utilisateur, tant sur des critères rationnels que sont la fonctionnalité et le service, que d'autres totalement irrationnels, comme le désir et le besoin… L'exigence, quant à elle, qui préside désormais à toute création d'emballage, est que celui-ci ait un impact minimum sur notre environnement. Bien emballer est donc un acte de respect : respect du produit contenu, respect de la personne qui achète, respect de la personne qui utilise, respect de l'environnement.

Plus précisément, que cela signifie-t-il ?
Aimer le pack, c'est être fier de ce que l'on produit. Quoi de plus légitime en effet pour un industriel que de bien protéger, préserver, conserver son produit pour le commercialiser. Si le contenu d'un emballage peut symboliser l'âme du produit, sa forme représente sans aucun doute, son corps. L'emballage est l'apparence physique du produit, il est aussi pour un grand nombre de consommateurs l'image de la marque. Rendre le packaging le plus attractif possible est dont tout légitime pour les marques, car celui-ci est souvent bien mieux mémorisé que le seul logotype. Dans certains cas, il est même l'icône de la marque. Ensuite, aimer le pack, c'est aussi estimer son client. Dans certaines cultures, au Japon tout particulièrement, l'aspect et la qualité d'un paquet cadeau sont presque plus importants que son contenu. Bien évidemment la question n'est pas de faire des cadeaux aux consommateurs, mais de comprendre que l'emballage peut être perçu comme un cadeau en soit, lorsqu'il est bien fait. En présentant son offre sous ses meilleurs atours, l'industriel valorise certes son produit, mais il le fait simultanément pour la personne à laquelle celui-ci est destiné. Le packaging sert donc en quelque sorte à mettre les formes, mais pas sans fond. Car s'il permet de bonifier sensiblement l'offre, il doit aussi informer, rassurer et garantir le consommateur sur la nature et la qualité de ce qu'il achète. Aimer le pack, c'est aussi rendre service à son utilisateur. Malgré son apparente simplicité, l'emballage est de plus en plus sophistiqué pour correspondre au mieux aux modes de vie d'une multiplicité de consommateurs, tous uniques. Les nouveaux packagings offrent des solutions adaptées à chacun selon la circonstance, le moment et le lieu de consommation du produit. De ce fait, ils répondent à des questions comportementales, voire existentielles. Et les besoins se font de plus en plus précis. Le packaging doit y répondre en s'humanisant toujours plus, jusqu'au point de se faire oublier. L'emballage n'est qu'un outil au service de l'utilisateur : toujours plus pratique, plus facile à utiliser et à jeter, ou mieux à remplir à nouveau. Le packaging n'est autre qu'une unité de consommation qui propose une gestuelle d'utilisation simple et conviviale à son usager. D'ailleurs, signe des temps, le marketing ne parle plus d'utilisation de son produit, mais « d'expérience de consommation »…

La règle des quatre « R » - respecter, réduire, réutiliser, recycler - tend à être adoptée de façon très universelle. Existe-t-il d'autres moyens pour améliorer l'impact écologique de l'emballage ?
L'amélioration de l'impact écologique de l'emballage tient effectivement en quatre mots : respecter, réduire, réutiliser, recycler. Cependant, il convient de ne pas s'emballer trop vite. La formule des « 4R » est complexe à mettre en œuvre, tant les paramètres peuvent interférer les uns avec les autres. L'emballage doit avant toute autre chose, parfaitement protéger, conserver et valoriser ce qu'il contient, communiquer clairement avec le consommateur et aider réellement son utilisateur : cela signifie plus précisément, respecter le produit contenu en garantissant sa protection et sa conservation jusqu'à son ouverture, voire encore quelque temps après celle-ci… ; respecter la personne tout en lui présentant l'offre sous ses meilleurs atours, en l'informant sur la nature de ce qu'il achète et en lui garantissant une qualité optimale ; respecter la personne qui l'utilise, en lui proposant un outil à son service, toujours plus pratique, plus facile à utiliser, à jeter dans le bon bac de tri sélectif, ou mieux encore, à remplir à nouveau… Plusieurs possibilités s'offrent aux industriels sur tout le cycle de vie pour réduire l'emballage. Cela implique, entre autres, une réduction des quantités de ressources naturelles et de matières premières nécessaires à la fabrication de l'emballage, l'allègement des matériaux, l'optimisation du poids et du volume des contenants… La réduction de la quantité d'énergie utilisée lors de l'extraction ou de la production des matières premières, puis lors de la fabrication et du remplissage de l'emballage est une autre possibilité. En matière de réutilisation,il existe également de nombreuses manières pour donner un nouvel usage à un emballage usagé : réutiliser l'emballage pour le même usage, après traitement ou nettoyage, via un principe de consigne à faible impact écologique ; réutiliser l'emballage pour remplir une autre fonction, un autre usage, grâce à des emballages pratiques, solides, esthétiques, « collectors » que nous avons envie de garder… Enfin, en termes de recyclage, tout doit être fait pour éviter que les déchets d'emballages ne deviennent des déchets ultimes. Il s'agit donc ici de renseigner le consommateur sur la nature du déchet d'emballage qu'il a entre les mains. Est-il recyclable ou non ? Est-il biodégradable ? Cela signifie également, aider les consommateurs à mieux identifier les matériaux des emballages, sans pour autant chercher à les transformer en techniciens. Faciliter la séparation des différents matériaux lorsque l'emballage est constitué de plusieurs éléments hétérogènes est un autre élément clé. Enfin, il s'agit aussi de développer davantage de produits à base de matériaux d'emballages recyclés…

Redonner du sens au packaging

En quoi le recyclage est-il une solution d'avenir ?
Pour moi, l'emballage de demain se situe dans la « recyclo-conception », qui consiste à intégrer la facilité et la performance du recyclage dans la conception des emballages. C'est, pour moi, le vrai challenge de demain! En outre, il n'y a aucun intérêt à déposer dans les bacs de tri sélectif, des emballages usagés qui sont à moitié recyclables. C'est l'intégralité des emballages qui doit être recyclable. Cette « recyclabilité  totale » des emballages est fondamentale pour l'avenir. Dans le domaine du recyclage, toutes les mesures doivent être prises pour éviter que les déchets d'emballages ne deviennent des déchets ultimes. Pour atteindre les nouveaux objectifs du recyclage, à savoir 75 %, il ne s'agit pas uniquement de demander aux gens de trier, mais de contribuer à faire en sorte que ce qu'ils trient soit facilement recyclable. En outre, ce n'est bien évidemment qu'une question de conception. Et au-delà de concevoir davantage de produits à base de matériaux d'emballages recyclés, il faut aussi renseigner le consommateur sur la nature du déchet d'emballage. Pour faciliter sa gestuelle de tri, il faut optimiser la séparation des différents matériaux lorsque l'emballage est constitué de plusieurs éléments hétérogènes, voire privilégier les mono-matériaux. Il faut également mettre en place des solutions sûres et efficaces pour compacter les emballages vides volumineux avant de les entreposer dans les bacs de tri mais aussi optimiser la collecte des déchets d'emballages.Encore une fois, c'est, ici, une question d'information et d'éducation.

Emballage usagé : déchet ou matière première ?
L'emballage est fondamental au niveau sociétal ; il a en effet un rôle historique, économique, artistique et de santé publique... Aujourd'hui, un packaging responsable est un packaging qui se pose la question de son bilan environnemental global et qui va chercher à l'améliorer. L'éco-responsabilité est là : il n'y a pas de solution unique mais un processus d'amélioration continue.« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » Il y a deux manières d'interpréter cette phrase de Lavoisier. La manière industrielle consiste à dire que l'on revient à la case départ : à partir de nos déchets, on va refaire de la matière première initiale. Une bouteille en PET va permettre de refaire du PET.  La seconde manière de l'interpréter est de dire que l'on ne revient pas à la case départ mais que l'on va réutiliser le déchet pour recréer autre chose. On a très peu travaillé là-dessus, sur ces nouvelles approches vertueuses, en imaginant la seconde, voire la troisième vie de l'emballage, en le réutilisant tel qu'il est. Il existe en effet de nombreuses manières de donner un nouvel usage à un emballage usagé. J'en donne des exemples concrets dans mon prochain livre : « Le design pour les nuls »,dont la parution est prévue en juin 2013. J'aime à dire que pour moi, l'ordure, c'est de l'or durable, et à me définir comme un designer de « l'Or-Dure ». Changeons de point de vue ! Les déchets d'emballage ne sont pas sales, ce sont de la matière première, de la valeur.

Propos recueillis par Jennifer Cariou, InLine, mai 2013d

 

Packaging : la recyclo-conception doit-elle succéder à l’éco-conception ?


Souvent décriée, la filière de l’emballage n’a pas attendu les contraintes légales pour s’intéresser à l’éco-conception. C’est même la 1ère à avoir initié le recyclage, dans les années 70, avec la récupération des bouteilles en verre. Aujourd’hui, nous sommes dans un monde où les industriels, tous secteurs confondus, doivent mettre en place des filières pour gérer la fin de vie de ce qu’ils produisent. Le recyclage est devenu un objectif prioritaire avec pour doctrine l’économie circulaire: essayer que les biens produits tournent en boucle, au mieux en les recyclant pour les retransformer en matière première, au pire en valorisant les déchets.

Mais respecter le principe de Lavoisier « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » implique que les consommateurs trient efficacement leurs emballages pour les remettre dans le circuit. Ce que nous jetons doit aussi être facilement recyclable et recyclé. Et c’est là que l’on touche du doigt les limites de l’éco-conception…
Pourquoi ? Parce qu’éco-concevoir un produit n’implique pas toujours d’anticiper son recyclage ! Un emballage peut être « éco-conçu », à partir d’agro-matériaux, ou moins volumineux, mais ne pas être recyclable. L’allègement des emballages lui-même a ses limites et l’on arrive parfois à ce paradoxe : s’il n’y a pas suffisamment de matière à récupérer, alors il devient économiquement plus intéressant d’incinérer un emballage que de le recycler !
Je propose donc d’entrer dans l’ère de la « recyclo-conception ». Il s’agit de concevoir des objets en anticipant leur capacité à être recyclés afin de récupérer le plus possible de matière première tout en mobilisant le minimum d’énergie et en limitant l’impact sur l’environnement. Dans le cas de l’emballage, l’encre occupe une place majeure car si papier et carton sont 100 % recyclables, selon leur charge d’encrage, à partir d’une tonne collectée, on pourra récupérer de 400 à 800 kg de matière première. L’objectif étant bien sûr de parvenir le plus facilement à 800 kg et au-delà…
Chez Diadeis, nous menons une réflexion sur l’éco-encrage comme technique de recyclo-conception. Notre métier consiste à créer des emballages (design et prépresse) et nous réalisons pour nos clients près de 25 000 photogravures par an. D’où notre choix d’intégrer la recyclo-conception dans la démarche créative en imaginant des décors de pack et des procès moins gourmands en encre.

Il y a autour de l’encre un enjeu économique que les industriels mesurent bien. Elle est principalement composée pour 5 à 25 % de pigments d’origine minérale, ressource non renouvelable, et pour 70 à 90 % d’un véhicule, des huiles végétales pour lesquelles il faut cultiver des terres. Depuis quelques années, son prix augmente de 10 à 30 % chaque année en raison des besoins croissants de la Chine et de l’Inde. Les fabricants d’encre gèrent d’ores et déjà la pénurie. Sans fragiliser le marché, réduire la quantité utilisée pour le décor des emballages, c’est faciliter le désencrage avant recyclage, limiter l’emploi d’agents blanchissants nocifs pour l’environnement et tout simplement faire des économies. Quand on sait que l’on dépose en moyenne 1,5 g au m2 en impression quadrichromie offset, une question se pose : comment moins encrer les emballages sans paupériser l’aspect des décors ?
Des solutions existent, notamment en intégrant la problématique de l’encrage très en amont de la production. Avec la recyclo-conception, pour la 1ère fois, la question de l’encre est associée au geste créatif. Conjuguée au savoir-faire de techniciens pour l’optimisation des couleurs, (recouvrements, reprographie…), on réduit aisément de 20 à 25 % la quantité d’encre nécessaire. Les annonceurs réalisent ainsi des économies qui se chiffrent en dizaines de milliers d’euros sans perdre en visibilité. Les techniques de l’éco-encrage peuvent s’appliquer à d’autres filières : édition, impression grand format ou tout autre support impliquant de l’impression.
Le recyclage, process industriel à part entière est un vrai choix de société. La plus grosse mine de matériaux, ce sont nos déchets… si nous savons les améliorer en amont ! La recyclo-conception, l’un des maillons clef, va plutôt dans le « bon sens » de l’histoire.

Propos recueillis par Lorraine Bôle du Chaumont, Visible, mai 2013d

«Nous sommes dans un nouveau cycle, dans une réinvention des systèmes» 

Dans une société en crise, le marché de l’emballage ne s’en sort pas si mal. D’autant qu’il s’attache à répondre au plus près à l’évolution de nos modes de consommation. Si aujourd’hui la logique d’éco-conception fait partie intégrante des procédés de fabrication, les innovations ne sont pas prêtes de s’arrêter. Entre l’amélioration continue des qualités de préservation des matériaux et le retour en grâce du carton, l’emballage se réinvente en permanence.

L’emballage écologique est désormais bien ancré dans notre société. En la matière, nous n’en sommes plus à un tournant, mais dans le mouvement et l’action, dans la mesure où les marques travaillent réellement sur l’éco-conception et même la « recyclo-conception ». Pas une réunion avec des clients sans évoquer ces problématiques, idem sur les salons professionnels où ces préoccupations environnementales suscitent les innovations. Fini le temps des projets ! L’écologie est définitivement intégrée dans les stratégies des entreprises.
Les marques sont donc impactées directement car cela peut leur coûter très cher, tout comme leur faire gagner de l’argent ! L’éco-conception fait partie intégrante du process. 

Des équipementiers en plein bouleversement
Ces nouvelles tendances changent évidemment beaucoup la donne pour les équipementiers. D’ailleurs, certains sont déjà largement en avance sur ces problématiques. Ils n’ont pas attendu que les marchés le leur demandent. Les emballages sont en train de changer durablement. L’emballage, tel qu’il est, a été conçu pour répondre à une problématique industrielle : préserver ce qu’il contient pour pouvoir être transporté dans les hypermarchés. Or, aujourd’hui, le modèle de la distribution est en plein bouleversement.
À cela vient s’ajouter la problématique des matériaux, avec la nécessité de réduction à la source. L’emballage ne doit pas coûter beaucoup au niveau environnemental ni au niveau des matériaux. Les pays développés se sont fixés un objectif de 75 % de taux de recyclage. Nous avons donc deux obligations : celle d’améliorer l’impact environnemental des packs et surtout celle de les rendre recyclables.
Résultat, les fabricants d’emballages et de matériaux ne peuvent plus fonctionner séparément. Les partenariats s’avèrent inévitables. Nous-nous dirigeons vers plus de solutions mixtes. Un fabricant de matériaux d’hier devra également s’intéresser demain aux machines et au produit final. Et vice versa. Nous sommes dans un nouveau cycle, dans une réinvention des systèmes. Les marques et les fabricants de machines se remettent en question pour faire perdurer leurs systèmes. Cette réinvention se fait donc dans le préventif et le prospectif. Elle n’est pas liée à l’emballage proprement dit, mais à l’évolution de nos sociétés, de nos modes de consommation et d’achat, de la distribution, de la mondialisation, et de l’outil industriel. Parallèlement à cette mondialisation, coexiste cette nécessité économique et écologique de réindustrialisation de proximité. Aujourd’hui, nous ne devons donc plus raisonner de manière parcellaire, mais sur une chaîne de valeurs globale.
Le produit final évoluant, les machines évoluent de même. Elles doivent être beaucoup plus souples, et pouvoir communiquer entre elles. 

Emballages intelligents et retour en force du papier carton
De nouveaux matériaux mais aussi les compactages et des associations de matériaux sont particulièrement intéressants. Après avoir longtemps été laissé de côté, le papier carton est en train de revenir en force. Il redevient le véritable matériau d’avenir ! Les cartons se font plus souples, ils vont être compactés avec un peu de films en plastique. Ces évolutions sont fortement corrélées au prix des ressources et à leur image. Avec un pétrole peu cher, c’était simple de produire des emballages plastiques. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, le papier et le carton sont redevenus économiquement intéressants. D’autant que l’on peut aussi y adjoindre de fines pellicules de plastique et de polymère.
On parle aussi beaucoup d’emballages intelligents. Reste que l’emballage est intelligent à partir du moment où il sert à conserver. Il est intelligent par essence ! Viennent s’y greffer les nano- matériaux, et un certain nombre de technologies qui permettent d’allonger les DLC des produits. Nous assistons à une amélioration continue des qualités de préservation des matériaux d’emballage. Tel ce film en plastique assez étonnant pouvant passer au four à 220° ! Les matériaux évoluent de plus en plus dans deux sens : une meilleure protection de ce qu’ils contiennent, et une facilité ou une meilleure utilisation des emballages dans l’acte de consommation. 

Le packaging idéal ? Un emballage harmonieux
L’idée est bien évidemment de concevoir l’emballage le plus idéal possible, c’est-à-dire le plus harmonieux possible. Et pour ce faire, il doit répondre parfaitement aux questions fondamentales que se posent ses quatre principaux clients : les industriels qui fabriquent les emballages et les produits, les distributeurs qui les vendent, les consommateurs qui les utilisent, et la poubelle qui doit les amener vers le recyclage. Le packaging a donc autant de fonctions, sinon plus, que de cycles de vie !
Pour l’industriel, l’emballage idéal préserve au mieux ce qu’il contient, ne coûte pas trop cher à la production, et facilite la logistique. C’est donc un emballage qui répond à toutes les problématiques de l’entreprise de manière logistique, économique et environnementale. Pour la distribution, l’emballage idéal est un emballage qui se vend bien et qui présente bien le produit, qui permet d’accroître la valeur de sa marque ou de son mètre linéaire. Ensuite, pour le consommateur, l’emballage idéal doit lui simplifier la vie : il est facile à ouvrir, à fermer, à stocker, et doit pouvoir se vider complètement. Enfin, lors de sa dernière phase, l’emballage idéal doit facilement trouver sa place dans les bacs de tri sélectif, et se recycler en boucle.
Reste qu’il n’existe pas qu’une seule et unique solution aux problématiques de l’emballage ! Tout simplement parce qu’il est impossible d’isoler l’emballage de ce qu’il contient. Il faut donc arrêter de parler de l’emballage et uniquement de lui car, en tant que tel, il ne sert à rien !
Ce qui sert, c’est un produit emballé ! Il s’agit donc de parler d’un couple « emballage-produit », et là il existe autant de solutions que de couples. La plupart du temps, on fait le procès de l’emballage car on ne prend en compte que sa fin de vie, et on ne le considère que comme un déchet. Il faut arrêter avec cette façon de penser ! On oublie trop souvent tous les services que les emballages rendent !
Il s’agit donc de trouver les meilleurs couples « emballage-produit » en prenant en compte tous les paramètres : du contenu lui-même, à son lieu de production, en passant par son lieu de consommation.

Par Fabrice Peltier dans le livre " Packaging Tendances - Comment produirez-vous demain? ", Mai 2013d

 

f.peltier 2012« Il faut développer l’éco-conception »


Designer de milliers de packagings, fondateur de l’agence P’Référence, auteur d’Éco-design, chemins vertueux (Éditions Pyramyd), Fabrice Peltier est considéré dans son secteur comme un visionnaire. Entretien.

À quoi sert l’emballage ?
Fabrice Peltier : À énormément de choses ! On lui demande de protéger le produit, d’avoir une fonctionnalité. On lui demande aussi de séduire, de donner de la joie, du plaisir, du bien-être… En « l’achetant », parfois cher, on est heureux de s’offrir un « instant », une image. On l’aime mais, en fin de vie il devient un odieux emballage qui doit absolument disparaître : c’est l’un des paradoxes de l’emballage !

Autant de problèmes pour finir à la poubelle, c’est démobilisant ?
F. P. : Non, car ces contraintes dessinent un cadre qui nourrit nos créations. Elles sont même la matière première de notre création.

Comment percevez-vous les contraintes écologiques ?
F. P. : Très bien ! Nous sommes dans une démarche d’amélioration continue. Les emballages se font plus petits, plus légers, plus innovants. Mais réduire les emballages, tout comme les recycler, c’est un enjeu économique et non écologique. L’éco-conception, elle, répond, de façon préventive, à la problématique écologique. Il faut se poser la question du cycle de vie du produit/contenant, en prenant en compte le bilan environnemental de l’ensemble lors de chaque phase de vie (production, utilisation, recyclage…), son coût en ressources naturelle, son impact sur l’environnement…

Certains organismes mènent des campagnes « anti-emballages » très musclées et ont un moment déclaré la guerre avec le slogan « dégage, emballage ». Qu’en pense-vous ? 
F. P. 
: Le paradoxe de l’emballage, c’est qu’on oublie sa fonction pour se focaliser sur sa fin de vie. Par exemple, les boîtes de conserve que Napoléon à fournie à la Grande Armée pour lui épargner le scorbut. Il y a aussi le rôle salvateur qu’elles ont joué dans la prophylaxie de la listéria. Un emballage doit avant tout protéger. Aujourd’hui, un emballage améliore aussi la durée de vie de son contenu, ce qui est entre autres un élément de réponse au problème du gâchis alimentaire ; il donne également des informations essentielles sur le contenu, ce qui répond à une demande de plus en plus forte des consommateurs.

Stigmatiser les emballages est-ce pour vous une attitude de bobos ?
F. P. : Je préfère parler d’une attitude, ou plutôt d’une posture, d’enfants gâtés ou de sur-consommateur.

Comment voyez-vous l’avenir de l’emballage ?
F. P. : Nous sommes au bout du bout de la révolution industrielle. Il va y avoir un grand chambardement. Il ne faut pas seulement se soucier de la phase finale, même vertueuse, des produits qui consiste à pouvoir les recycler, mais aussi travailler beaucoup plus en amont en développant l’éco-conception. Imaginer des produits éco-conçus et recyclables, en créant de nouvelles filières de recyclages, voilà un de nos enjeux !

Propos recueillis par Jean-François Montgibeau, We Demain - Éco Emballages, Décembre 2012d

 

f.peltier 2012

Quatre raisons d’aimer le pack, et la mienne…

Pourquoi les marques de grande consommation prennent-elles autant de soin pour envelopper, empaqueter, emboîter, embouteiller leurs produits, alors que quasiment tous les emballages finissent leur vie dans une poubelle ?

Pour répondre à cette question, il convient juste de rappeler quelques fonctions élémentaires de l’emballage et une exigence primordiale à sa réalisation. En premier lieu, le conditionnement doit protéger, conserver et valoriser ce qu’il contient. Il doit aussi communiquer avec le consommateur, expliquer la nature du produit, donner des informations légales et convaincre sur ses qualités pour susciter l’acte d’achat. Enfin, il doit satisfaire son utilisateur, tant sur des critères rationnels que sont la fonctionnalité et le service, que d’autres totalement irrationnels, comme le désir et le besoin… L’exigence, quant à elle, qui préside désormais à toute création d’emballage, est que celui-ci ait un impact minimum sur notre environnement.

Bien emballer est donc un acte de respect : respect du produit contenu, respect de la personne qui achète, respect de la personne qui utilise, respect de l’environnement.

Respect du produit contenu
Quoi de plus légitime pour un industriel que de bien protéger, préserver, conserver son produit pour le commercialiser.
Deux éléments méritent d’être ici rappelés :
- Le premier est que l’emballage doit garantir la qualité de ce qu’il contient jusqu’à son ouverture, voire quelques temps encore après celle-ci…
- Le second est que sans emballage, il n’y aurait pas de commerce… L’emballage a permis et permet encore de développer les échanges Est-Ouest, Nord-Sud, de tous types de produits.
Si le contenu d’un emballage peut symboliser l’âme du produit, sa forme représente sans aucun doute, son corps. L’emballage est l’apparence physique du produit, il est aussi pour un grand nombre de consommateurs l’image de la marque. Rendre le packaging le plus attractif possible est dont tout légitime pour les marques, car celui-ci est souvent bien mieux mémorisés que le seul logotype. Dans certains cas, il est même l’icône de la marque.

"Aimer le pack, c’est être fier ce que l’on produit!"

Respect de la personne qui l’achète
Dans certaines cultures, au Japon tout particulièrement, l’aspect et la qualité d’un paquet cadeau sont presque plus importants que son contenu. Bien évidemment la question n’est pas de faire des cadeaux aux consommateurs, mais de comprendre que l’emballage peut être perçu comme un cadeau en soit, lorsqu’il est bien fait.
En présentant son offre sous ses meilleurs atours, l’industriel valorise certes son produit, mais il le fait simultanément pour la personne à laquelle celui-ci est destiné. Le packaging sert donc en quelque sorte à mettre les formes, mais pas sans fond. Car s’il permet de bonifier sensiblement l’offre, il doit aussi informer, rassurer et garantir le consommateur sur la nature et la qualité de ce qu’il achète.

"Aimer le pack, c’est estimer son client!"

Respect de la personne qui l’utilise
Malgré son apparente simplicité, l’emballage est de plus en plus sophistiqué pour correspondre au mieux aux modes de vie d’une multiplicité de consommateurs, tous uniques. Les nouveaux packagings offrent des solutions adaptées à chacun selon la circonstance, le moment et le lieu de consommation du produit. De ce fait, ils répondent à des questions comportementales, voire existentielles. Et les besoins se font de plus en plus précis. Le packaging doit y répondre en s’humanisant toujours plus, jusqu’au point de se faire oublier.
L’emballage n’est qu’un outil au service de l’utilisateur : toujours plus pratique, plus facile à utiliser et à jeter, ou mieux à remplir à nouveau. La packaging n’est autre qu’une unité de consommation qui propose une gestuelle d’utilisation simple et conviviale à son usager. D’ailleurs, signe des temps, le marketing ne parle plus d’utilisation de son produit, mais « d’expérience de consommation »…

"Aimer le pack, c’est rendre service son utilisateur!"

Respect de l’environnement
L’opinion publique se fait à l’idée : les activités humaines entrent en conflit avec la préservation de l’environnement. Une grande majorité d’entre nous pense, qu’il est devenu impératif de modifier notre niveau d’activité et nos habitudes, afin d’endiguer la détérioration de l’environnement.
L’amélioration de l’impact écologique de l’emballage tient en trois mots : réduire, réutiliser, recycler. Cependant, il convient de ne pas s’emballer trop vite. La formule des « 3R » est complexe à mettre en œuvre, tant les paramètres peuvent interférer les uns avec les autres et entraîner des transferts de pollution, de consommation énergétique ou d’utilisation de matériaux. Dans certains cas, le gain qui est fait sur l’emballage primaire implique un emballage secondaire plus conséquent.

Réduire, plusieurs possibilités s’offrent aux industriels sur tout le cycle de vie de l’emballage :
- Réduire les quantités de ressources naturelles et de matières premières nécessaires à la fabrication de l’emballage, par l’allègement des matériaux, l’optimisation du poids et du volume des contenants, la remise en cause d’éléments de calage et de protection superflus, la limitation des suremballages…
- Réduire la quantité d’énergie utilisée lors de l’extraction ou de la production des matières premières, puis lors de la fabrication et du remplissage de l’emballage.
- Réduire la pollution et le volume des déchets engendrés par la production des matériaux d’emballages, puis celle de l’emballage lors de sa fabrication et pendant son remplissage.
- Réduire la quantité d’énergie consommée et les pollutions lors de toutes les phases logistiques à travers des modes de transports moins polluants et des distances plus courtes.
- Réduire les ressources naturelles et l’énergie utilisées lors du recyclage et de la valorisation des déchets d’emballages…

Réutiliser, il existe de nombreuses manières pour donner un nouvel usage à un emballage usagé :
- Réutiliser l’emballage pour le même usage, après traitement ou nettoyage, via un principe de consigne à faible impact écologique. Poids et encombrement de l’emballage rapporté à la distance de retour à vide dont les deux paramètres essentiels.
- Réutiliser l’emballage pour le même usage en remplissant à nouveau chez soi, avec des recharges faciles à utiliser.
- Réutiliser l’emballage pour remplir une autre fonction, un autre usage, grâce à des emballages pratiques, solides, esthétiques, « collectors » que nous avons envie de garder…

Recycler, tout doit être fait pour éviter que les déchets d’emballages deviennent des déchets ultimes :
- Renseigner le consommateur sur la nature du déchet d’emballage qu’il a entre les mains. Est-il recyclable ou non ? Est-il biodégradable ?
- Aider les consommateurs à mieux identifier les matériaux des emballages, sans pour autant chercher à les transformer en techniciens.
- Faciliter la gestuelle de tri du consommateur, dès que l’emballage est vidé de son contenu en apportant des solutions dans la cuisine et sur les principaux lieux de consommation.
- Faciliter la séparation des différents matériaux lorsque l’emballage est constitué de plusieurs éléments hétérogènes.
- Mettre en place des solutions sûres et efficaces pour compacter les emballages vides volumineux avant de les entreposer dans les bacs de tri.
- Optimiser la collecte des déchets d’emballages, en en augmentant sensiblement la fréquence.
- Développer plus de produits à base de matériaux d’emballages recyclés…

Concevoir un emballage harmonieux qui respecte le produit, l’environnement et les consommateurs : tel est désormais l’objectif prioritaire des designers, spécialistes du marketing, fabricants d’emballage et autres conditionneurs.

"Aimer le pack, c’est préserver l’environnement!"

Le packaging est une activité créative qui me permet, depuis plus de trente ans, de m’interroger et de me remettre en question quotidiennement. Le pack m’emballe à tel point qu’il est facile pour moi de me lever tous les matins pour exercer mon métier de designer packaging.
Le packaging m’a aussi entrainé vers une démarche artistique personnelle et engagée dans « l’art recyclé ». Je récupère les déchets d’emballage, les nettoie, les démonte, en choisit les pièces intéressantes pour réaliser des installations, des sculptures et des objets utiles ou futiles.
En pratiquant le détournement artistique des déchets d’emballages, je souhaite changer le regard du public sur ce qui pour lui, est une matière première noble à laquelle il est impératif de redonner une seconde vie.
En évitant que le carbone contenu dans ces matériaux ne soit rejeté dans l’atmosphère, en les transformant par le travail et l’imagination, nous ouvrons peut-être la voie à une nouvelle révolution, post industrielle, où réinventer est plus important qu’inventer, où le nouveau et le beau ne sont pas toujours neufs.

"Bref, j’aime le pack et encore plus le recycler !"


Par Fabrice Peltier dans le livre "Ces Emballages qui changent nos vies", Novembre 2012d

 

Fabrice Peltier, le poète de l'emballage

Créateur de plus de 12 000 produits de grande consommation, Fabrice Peltier est reconnu comme un expert du design-packaging et un fervent défenseur de l’éco-design. Fondateur de la Designpack Gallery à Paris, il change notre regard sur les emballages avec pragmatisme et humour. Un travail à découvrir à travers trois expositions enthousiasmantes.


Découvrez ci-dessous l’interview de ce défenseur de l’éco-packaging.

 

Néoplanète : Comment l'idée de dédier un endroit aux emballages a-t-elle germé dans votre tête ?
Fabrice Peltier :
Je faisais déjà partie d’une association de défense de l’environnement en Lozère: je nettoyais des dépôts d’ordures sauvages pour rendre la nature un peu plus propre. Sa protection est un problème d’éducation, et non économique. D’ailleurs, je m’oppose au principe du pollueur payeur et même à celui de la compensation carbone. Les designers sont responsables de ce qu’ils créent et de l’empreinte écologique des produits. J’ai très souvent éprouvé de la culpabilité à voir les emballages que j’avais réalisés dans les caniveaux. Je me suis engagé à une époque où on ne débattait pas autant de toutes ces questions. Aujourd’hui, on en parle, et c’est tant mieux ! L’exposition L’Arche du recyclé présente, par exemple, des animaux 100 % recyclés et 100 % recyclables. Il s’agit de toute une faune terrestre et marine conçue à partir de déchets d’emballages métalliques, de canettes, de sacs plastiques que nous jetons.


Vous avez aussi conçu L'Allée du recyclage que l'on peut admirer dans le métro (station de métro Palais-Royal – Musée du Louvre). Quel honneur pour les déchets !
F. P. : Si le 1er arrondissement de Paris est celui qui compte le moins d’habitants, il est celui qui produit le plus de déchets car c’est un quartier très touristique. Mes expositions sont dénuées de tout propos culpabilisant ou bien répressif. Il faut cesser de montrer des dauphins sur la plage ou des ours en train de se noyer dans la mer. Oui, ça existe, mais comment voulez-vous que cela sensibilise le Parisien à trier et à recycler ? Je veux le toucher grâce au côté émotionnel de l’objet. C’est le message de cette Allée du recyclage. C’est une galerie d’art et d’artisanat pour expliquer le tri, le recyclage… de façon didactique, ludique et positive, car tant qu’on parlera négativement des détritus, et qu’on les mélangera aux crottes de chien, ça n’ira pas. Je veux rendre le geste de jeter beaucoup plus fun.

 Vous avez transformé l'observatoire du BHV en un jardin surprenant avec, en son centre, un arbre géant constitué de 6 200 bouteilles en plastique. Décrivez-nous ce jardin recyclé idéal...
F. P. : C’est un jardin qui conserve le carbone. Ceux qui travaillent dans le secteur du recyclage mettent souvent en exergue la célèbre citation de Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » Cela ne veut pas toujours dire qu’il faut revenir à la case départ.
D’un emballage que l’on détruit, on n’en fait pas forcément de la matière première. Je prône une solution de recyclage qui est une réponse d’avenir : se servir de sa matière première pour fabriquer d’autres objets, en imaginant des nouveaux cycles de vie. Par exemple, les fleurs en PET (polyéthylène téréphtalate) que l’on peut admirer dans Le Jardin recyclé du BHV ont été réalisées par des membres de l’association Camino, près de Nîmes. Ils ont découpé le bas des bouteilles en forme de fleurs et, moi, j’ai modifié le haut. Rien ne se perd, tout se transforme : avec une bouteille en PET, j’en obtiens deux. Les poules et les fleurs conçues avec des canettes, elles, ont été créées par des associations de réinsertion en Afrique du Sud. Ces dernières récupèrent les sacs en plastique pour qu’ils arrêtent de voler dans la nature. Enfin, les jolies fleurs métalliques viennent des Philippines. Certes, on doit les acheminer, mais c’est le savoir-faire local qui m’intéresse. Si on peut « switcher » avec de l’emballage ce que produisent ces artisans, on pourra changer de matériau. En Afrique du Sud, on trouvait déjà des poules en tissu et, aux Philippines, nombre d’objets en métal, mais pas à base d’emballages.
Cela m’a permis de créer une sorte de retour à l’envoyeur. En tout cas, d’en mettre moins dans la mer ou ailleurs.

Émilie Villeneuve, Néoplanète, Avril 2011d


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