Interviews 2010 et avant...
Le design packaging « responsable »,
une chance pour la profession, une chance pour les entreprises
L’heure n’est plus à la critique généralisée de l’emballage, cible facile parce que pollution visible, mais bien au développement d’une approche « responsable » du design packaging. Reste aux entreprises à faire preuve de responsabilité pour ne pas tomber dans le greenwashing…
L’éco-packaging n’est cependant qu’une étape de la révolution en cours : c’est un véritable changement de modèle qui est aujourd’hui nécessaire pour sauver la planète ; il faut repenser les systèmes de transport, de distribution, la consommation, etc., créer des objets en pensant aux différents usages qu’ils pourront avoir et leur donner ainsi plusieurs vies. Cela ouvre de belles opportunités aux designers, en France, mais aussi dans les pays émergents, où la conscience environnementale est parfois aussi développée qu’en Occident. L’innovation est la clef… ou l’innovation, c’est du design.
Accomex : Doit-on parler de design packaging « responsable » ou d’éco-packaging ?
Fabrice Peltier : Tout le monde a oublié à quoi servait l’emballage… Or, à la base, l’emballage sert à protéger ce qu’il contient : c’est un contenant qui protège un contenu. Deux éléments méritent d’être rappelés : - Le premier est purement physique : s’il protège ce qu’il contient, l’emballage évite les gaspillages. Qu’est-ce qui est le plus responsable : gaspiller des produits alimentaires ou, éventuellement, gaspiller du matériau d’emballage ?... Le packaging a sauvé des milliards de vie ; c’est en cela qu’il est totalement responsable. Il y a des chiffres qui ne trompent pas : plus l’emballage est développé dans un pays, moins il y a de pertes ; c’est inversement proportionnel… et c’est ce qui justifie la présence d’un expert packaging à l’ONU. - Le second est l’utilité du packaging trop souvent oubliée dans les pays occidentaux : le commerce. Sans emballage, pas de commerce… L’emballage a permis et permet encore de développer les échanges Est-Ouest, Nord-Sud, de denrées alimentaires. Se dire qu’il n’existe pas de packaging responsable, c’est une approche de « bobo »…! Il se trouve que le packaging a un défaut majeur : il est visible, dans le caniveau, dans les champs, etc. C’est une pollution visuelle. Mais la question ne porte pas sur la responsabilité ou l’irresponsabilité du packaging ; il s’agit d’une question « d’éco-responsabilité » globale dans le cycle de consommation, cycle dont le packaging n’est qu’un élément.
Ne peut-on dire quand même qu’il y a parfois du « sur-packaging » ?
F. P. : Oui et Non ! Tous les pays développés sont en état de surconsommation. Ce n’est pas un problème de « sur-packaging », mais de surconsommation : l’Europe consomme aujourd’hui trois fois ce que la terre est capable de produire ; les États-Unis cinq fois… Si les Chinois se mettent juste à produire autant que l’Europe, la planète ne pourra pas suivre… Il faut donc revoir nos modèles : quand il y aura moins de consommation, il y aura aussi moins d’emballage. Mais ce n’est pas en réglant le problème de l’emballage que l’on règlera le problème de la planète ! L’emballage n’est que le symbole, visible, de notre surconsommation… D’ailleurs, cette notion de sur-packaging est une vision d’américains, de français : à l’échelle mondiale, on manque d’emballage… en Afrique, au Moyen-Orient, en Chine, etc. Savez-vous qui est le premier consommateur de denrées alimentaires dans les pays sous-développés quand il n’y a pas assez de packaging ? C’est la poubelle! Ces pays ont besoin de boites de conserves, de bouteilles d’eau ; c’est vital pour eux, alors arrêtons de stigmatiser l’emballage !
Même dans les pays occidentaux vous pensez qu’il y a stigmatisation ?
F. P. : Bien sûr ! En France, par exemple, en 1993, quand a été lancé le tri sélectif, il y avait 4,6 millions de tonnes de déchets d’emballage ménagers. En 2006 (derniers chiffres en ma possession), la production de déchets d’emballage ménagers était de 4,4 millions de tonnes ; pour la première fois, elle avait baissé… Ce n’est pas seulement lié à une prise de conscience des individus, mais à l’introduction de la Directive européenne de 1994 imposant aux industriels de réduire l’emballage « à la source » (une canette est aujourd’hui 75 % moins lourde qu’au début des années 1990 ; un gain de matière qui correspond aussi à un gain financier pour l’industriel…). L’emballage a déjà fait sa cure d’amaigrissement et peut encore espérer quelques gains. Le problème n’est donc pas là… Ce n’est même pas un problème de suremballage au sens où vous l’entendez d’une boite trop grande pour un petit contenu, d’un emballage carton autour du tube de dentifrice, etc. Le problème de l’emballage, c’est son transport et ses flux logistiques : si votre emballage est constitué de deux matériaux différents, deux camions vont apporter de la matière ; s’il en contient trois, trois camions vont circuler, etc. Rappelons que 25 % des émissions de CO2 sur la planète sont liés au transport… Donc le problème de l’emballage est d’abord un problème de transport : on transporte trop d’emballages vides, de l’usine où on les produit, à l’usine où on les utilise. Au 19ème siècle, l’industrie de l’emballage s’était installée à côté des sites de production. Aujourd’hui, on a délocalisé, parce qu’il est devenu moins cher d’acheter son emballage à 4 000 kms de l’usine, par exemple, que de l’acheter juste à côté. L’éclatement d’un tissu industriel homogène a conduit à une multiplication des transports. Et je ne vous parle même pas du choix de certaines entreprises de transporter des produits pasteurisés dans des camions frigorifiques pour faire croire que ce sont des produits frais…
On se donne donc bonne conscience quand on « attaque » le packaging ?
F. P. : Oui, c’est le client facile, visible… alors que le problème est bien plus large, qu’il est lié au cycle de vie des produits. C’est une nouvelle révolution industrielle qui s’impose, car notre système industriel est devenu complètement obsolète… Un packaging responsable aujourd’hui, c’est un packaging qui se pose la question de son bilan environnemental global et qui va chercher à l’améliorer. L’éco-responsabilité elle est là : il n’y a pas de solution unique mais un processus d’amélioration continu.
L’éco-packaging s’adresse-t-il à tous les secteurs d’activité, à toutes les entreprises ?
F. P. : Oui ! L’emballage est la 7ème industrie mondiale, juste après l’aéronautique… Tout est emballé, même la carlingue d’Airbus d’ailleurs, morceaux par morceaux, pour être envoyée sur le lieu de son assemblage ! Plus sérieusement, lorsque l’on se présente devant quelqu’un, on n’a qu’une seule chance de faire bonne impression. Et l’emballage a pour devoir, systématiquement, de donner la bonne impression. C’est pour cela qu’il faut aider les pays en développement à disposer de packaging leur permettant de mieux vendre leurs produits en Occident ; qu’il y ait le terme « éco » ou pas d’ailleurs ! À mon sens, l’« éco » est désormais inclus, c’est le « minimum syndical » dans la réalisation de tout emballage… Il faut juste se méfier de ceux qui en parlent trop, qui s’affichent trop « éco ». L’éco-communication est un bon argument de vente, mais plus on affirme, plus on doit être en mesure de démontrer… Cela engage la responsabilité de l’entreprise. Or aujourd’hui, il y a beaucoup de « greenwashing ». Je dis et répète quelque chose de très politiquement incorrect : la mise en place du tri sélectif et du recyclage ne doivent pas avoir été inventés pour nous donner bonne conscience de jeter ! Oui, Éco-Emballages a permis de réaliser des progrès. Mais encore une fois, il faut aller plus loin : une révolution se prépare, un changement de modèle. En tant que designer, je n’ai jamais vécu dans mon temps, je suis dans l’anticipation. Mais aujourd’hui, je me sens moins Don Quichotte qu’il y a dix ans ! C’est bon signe, les messages passent, les entreprises changent. Je suis plus optimiste qu’il y a cinq ans.
Peut-on parler d’un « avantage comparatif » des designers français sur le marché international du packaging ?
F. P. : La France du design est bien positionnée à l’international d’une façon générale. Par contre, je n’ai pas tant de concurrents que cela en France ou en Europe sur la problématique de l’éco-packaging. Se positionner sur une telle problématique nécessite d’avoir du courage, le courage de dire non à certaines propositions d’entreprises pour ne pas cautionner le « « greenwashing ». On se fait forcément des ennemis ! Je suis également considéré comme le Président le plus « vert » qu’ait jamais eu la Pan European Brand Design Association (PDA)… et j’en profite pour lui donner une certaine orientation. Notez que de plus en plus de designers sont ouverts aux questions de développement durable. C’est un moyen de faire sortir le design du marasme dans lequel il est.
De quel marasme parlez-vous ? Le design packaging ne va pas bien ?
F. P. : Ce métier s’est laissé enfermer dans la commande… À trop travailler à la commande pour de grandes marques, les designers packaging ont plus vendu de la maquette, de la production, que des idées. Comme aujourd’hui, grâce aux technologies de communication, la production peut se faire à l’autre bout du monde sans délais de livraison supplémentaires et à moindre coût, la profession s’est paupérisée. Désormais, la valeur ajoutée de la profession est là, dans l’éco-packaging. En fait, il faut tout réinventer… Quand vous regarder les emballages d’aujourd’hui, 80% a été inventé entre 1860 et 1950. Or, que reste-t-il aujourd’hui dans nos poches, dans nos vies, de ces années-là ? Même les maisons, « on » nous dit qu’il faut les démolir pour qu’elles soient HQE. L’« éco », c’est encore une fois le « minimum syndical », les bases fondatrices de ce que l’on doit réinventer. Tous les experts du monde peuvent prendre le problème par tous les côtés, tous arriveront à une même conclusion : on ne peut continuer comme cela ; il faut réinventer un modèle, un modèle basé sur l’énergie et les ressources disponibles aujourd’hui. C’est une très bonne nouvelle pour les designers… repenser un modèle, c’est le propre de la créativité.
Vous avez des idées quant à ce « nouveau » modèle n’est-ce pas ?
F. P. : Bien sûr ! Si l’on reprend la maxime de Lavoisier : « rien ne se perd, rien ne crée, tout se transforme », il y a deux manières de l’interpréter : soit revenir à la case départ, c’est-à-dire transformer ce qui a été créé en matières premières (= recycler la matière). Mais cela a un coût tant environnemental que financier ; soit revenir à la phase de création, et créer quelque chose en imaginant en même temps sa transformation future. C’est là qu’il y a tout à inventer. Pour vous donner un exemple, si vous prenez Tetra Brik, c’est du papier, à un peu plus de 70%, de l’aluminium et du plastique. Très bien, c’est donc recyclable. Mais c’est aussi un matériau étanche, un peu rigide, assez solide, etc., à qui l’on pourrait trouver d’autres utilisations que son utilisation première. Autrement dit, il s’agit, lorsque l’on crée le produit en question, de penser aux différents usages qu’il pourra avoir et de prolonger ainsi son cycle de vie. Il faut créer des objets en réfléchissant aux transformations possibles de l’objet, lui donner plusieurs vies. La révolution, elle est là.
Comment réagissent les entreprises qui viennent vous voir ? Sont-elles prêtes ?
F. P. : Elles n’ont pas le choix ! Il y a 25 ans et pendant dix ans, on réfléchissait à horizon de six ans, puis à trois ans, puis on a réfléchit à un an, à six mois, puis on a arrêté de réfléchir… Aujourd’hui, c’est fini. Il est temps d’expliquer aux entreprises que leur problème n’est pas seulement un problème de packaging, c’est un problème plus global : il faut réinventer les systèmes de distribution, réinventer les systèmes de remplissage, de consommation. Il faut réfléchir à l’ensemble. C’est un changement radical. Qui peut dire aujourd’hui qu’une marque a une durée de vie éternelle ? Qu’est-ce qui nourrit une marque ? Ce n’est pas la communication, c’est l’innovation, l’offre produits ! Apple a failli mourir, il dépasse désormais Microsoft. Les trois quarts des industriels de cette planète ont oublié que ce qui nourrissait leurs entreprises, c’était l’innovation et l’offre produits, pas la publicité. Il faut donc revenir dans l’innovation absolue. Et l’innovation, c’est du design, du design et de l’intelligence…
Vous tenez ce même discours à une entreprise chinoise, libanaise ou française ?
F. P. : Oui, mais je n’ai pas la même écoute ! L’Asie va plus vite qu’on ne l’imagine, les Chinois, comme les Coréens. En fait, la culture asiatique est basée sur la copie du maître, mais avec un postulat : le but du maître est que son élève le dépasse. Alors qu’en France, nous sommes corporatistes. Il faut que les entreprises françaises réagissent. Curieusement, je suis beaucoup plus serein pour la planète en général, pour le monde, que je ne le suis pour mon pays… Cela dit, c’est très « franchouillard » comme attitude.
Sandrine Rol , Accomex, le 15 Novembre 2010
« Intégrer l'éco-design dans la conception de l'emballage »
Pour que l'emballage joue pleinement son rôle d'interface entre les marques et les consommateurs, les « éco-designers » devraient davantage être interpellés et écoutés. Telle est, en substance, la signification des propos de Fabrice Peltier.
Revue Laitière Française : Les designers et autres « apporteurs d'idées » en matière d'emballage ont-ils un rôle à jouer dans les démarches de respect environnemental ?
Fabrice Peltier : Oui, bien sûr et plus que jamais. Mais, cette fois, il s'agit d'aller plus loin que la seule mise en place de solutions techniques d'allégement, de recyclabilité ou de biodégradabité. Pour certains emballages, comme les bouteilles en plastique, l'allégement arrive d'ailleurs à sa limite. Aujourd'hui, il s'agit de s'ouvrir davantage à des démarches dans lesquelles le consommateur serait totalement impliqué et responsabilisé et ne risquerait pas de prendre en grippe les emballages et leurs déchets. Comme on le constate encore trop souvent aujourd'hui !
Comment voyez-vous cette nouvelle approche?
F. P. : Pour toute nouvelle conception, nous devrions pratiquer systématiquement l'éco-design. Pour apporter des solutions qui facilitent et dédramatisent le geste Fatal de jeter les emballages, mais aussi pour encore mieux adapter les emballages aux modes et lieux de distribution et aux façons de consommer des années à venir. Les marques ont compris que les modèles ont changé, mais seules (ou presque !) les plus importantes se sont donné les moyens d'avancer. Or il est grand temps de réinventer l'emballage. Dans le secteur laitier, nous travaillons, depuis près de cinq ans, avec les plus grands groupes, à tout remettre à plat. II faudra très probablement le même nombre d'années pour que les projets aboutissent car les concepts seront « révolutionnaires ». Notons toutefois que le fait de retirer les suremballages en carton des yaourts ou les boîtes en carton ou bois des pâtes molles est déjà un grand pas vers cette mutation.
Emballage 2010 a réalisé une étude, auprès des industriels, sur leur perception du packaging en termes de design. Que pensez-vous des conclusions?
F. P. : J'ai été très surpris du décalage de perception entre les marques et les consommateurs. Ce qu'attendent, en priorité, les consommateurs, ce sont des revendications basiques et essentielles que les industriels devraient tous retenir comme priorités. Or c'est loin d'être le cas. Les consommateurs veulent que les emballages protègent les produits. Ce qui, avouons-le, est le minimum syndical ! Or, seules 48 % des marques en font une priorité. Ils veulent que ce soit des supports d'information, or seules 35 % des marques accèdent à leurs attentes. Ils veulent aussi pouvoir utiliser les emballages en toute sécurité et en récupérant le maximum de produit contenu. Ce que les marques ne perçoivent pas comme une priorité. Les consommateurs se disent aussi attachés à la recyclabilité et à l'impact environnemental. Les marques y sont certes de plus en plus sensibles, mais elles ne sont que 24 % à les citer comme prioritaires. On s'aperçoit donc que les critères les plus importants pour les marques ne sont pas tournés vers l'intérêt des consommateurs, puisqu'il s'agit essentiellement pour elles de « promouvoir les ventes » et
d'« améliorer le transport et le stockage ». Ce qui va a l'inverse de la définition propre au « design packaging ». Contrairement aux conclusions bienveillantes de l'étude vis à vis du design, il ne m'apparaît donc pas qu'une majorité de marques soient véritablement prêtes à investir dans une réflexion design pour concevoir leurs emballages.
Sabine Carantino , la Revue Laitière Française, Novembre 2010
Témoignage d’entreprise : P’Référence
Créée en 1985 par Fabrice Peltier, qui se définit comme « un designer de l’ordure », la société « P’Référence Dynamiseur de Marques » exerce deux métiers principaux : le design graphique et le design volume et innovation. Considérée comme l’une des agences françaises majeures de design packaging, P’référence compte à son actif, la création de plus de 12 000 emballages de produits de grande consommation.
Lettre Technologique : Quels objectifs ont présidé à la naissance de P'Référence ?
Fabrice Peltier : Je me suis intéressé au packaging par hasard, car c'est un domaine auquel ma formation de graphiste à l'école Estienne ne m'avait pas préparé. Or, dans les années 80, ce sujet a connu un véritable essor, en phase avec celui de la grande distribution et des produits de grande consommation. Ainsi, lorsque je suis sorti de l'école en 1983 et que je me suis lancé avec un statut d'indépendant, une des principales demandes de mes clients était de créer le graphisme de packagings.
Mon activité devenant de plus en plus importante, j'ai décidé de créer P'Référence, une agence spécialisée dans la création des packagings. En 1993, les premiers décrets européens ont commencé à stigmatiser les déchets des emballages. Mon métier est devenu décrié car il représentait le symbole le plus visible du gaspillage de la société de consommation. Par conviction, je me suis lancé dans une réflexion sur l'éco-design, avant que ce mot n'existe. Je pense que les designers ont une responsabilité environnementale, que je m'évertue à leur rappeler. J'ai longtemps été un Don Quichotte vis-à-vis de mes clients et des designers. Au sein de P'Référence, nous essayons de faire en sorte que toutes les fonctions de l'emballage soient optimisées : fonction commerciale (aider le client à mieux vendre), fonctionnalité (aider le consommateur à mieux utiliser le produit), fonction environnementale (proposer un emballage avec un impact minimum sur la planète, facilement recyclable ou valorisable).
Quelles sont les particularités du packaging alimentaire ?
F.P. : C'est un véritable paradoxe : on demande tout et son contraire au packaging. Aujourd'hui, des voix s'élèvent contre la boîte de conserve, en oubliant qu'elle a éradiqué le scorbut. Jusqu'à présent, elle a plus servi à sauver des vies qu'à en détruire. Il est vrai que des études sont menées sur les migrations des PET et des vernis, mais l'emballage, quel qu'il soit, conserve mieux la santé qu'il ne l'altère.
Quelles ont été les changements marquants au niveau du packaging ?
Tout d'abord, le poids des emballages a fortement diminué, pour répondre à une directive européenne de 1993, qui prônait la réduction à la source. Les industriels ont accepté d'autant plus facilement de travailler sur la diminution des volumes, qu'ils ont, de cette manière, réduit leurs coûts. D'ailleurs, en 2006, pour la première fois, nous avons remarqué une baisse du tonnage d'emballages mis sur le marché, pour les adhérents d'Eco Emballages. Les résultats sont exceptionnels, mais cet allègement va atteindre ses limites.
En parallèle, le fait le plus marquant de ces trois dernières années, concerne l'arrivée de notions telles que l'empreinte carbone, l'éco-conception et l'éco-design. Cela signifie un changement fondamental des process de travail, y compris au niveau de la logistique.
Ces emballages sur lesquels je travaille depuis 25 ans ont été inventés à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle. Cette industrie, la 7ème mondiale, n'a pas connu de remise en cause fondamentale, ni d'innovation majeure depuis plus de 60 ans. Nous sortons d'une période d'amélioration pour entrer dans une ère d'invention. Nous sommes véritablement dans une révolution des comportements, engendrée par une prise de conscience au niveau de la population.
Quelles sont les pistes pour l'avenir des emballages ?
F.P. : Je pense qu'on va se diriger vers des matériaux souples et des nano matériaux. Plus globalement, on travaillera sur un emballage le plus solide et le plus « juste au corps » possible du produit. On ira aussi vers des solutions de remplissage, et d'autres modes de commercialisation, plus tournés vers l'abonnement que l'achat et beaucoup plus « on line », avec moins d'échanges matériels.
Fabrice Peltier, un expert du design packaging responsable.
Formé à l'Ecole Estienne, il débute sa carrière comme graphiste indépendant. Dans les années 90, il commence son combat sur la nécessité de trier et recycler les emballages. Depuis, il multiplie les interventions auprès de ses pairs, pour les sensibiliser à l'importance de minimiser l'impact environnemental des emballages. Directeur de la collection IDPack (éditions Pyramyd), auteur de livres, d'articles et animateur de conférences, Fabrice Peltier participe en 2003, à la création de l'INDP (Institut National du Design Packaging), dont il assure, depuis, la présidence. En 2008, il fonde la Designpack Gallery, le premier espace grand public entièrement dédié au design packaging. Enfin, il est désigné par l'ONUDI (Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel), comme expert design packaging. Son plus grand rêve serait de terminer sa carrière avec un bilan carbone neutre, grâce aux gains qu'auront engendrés ses créations et son engagement.
Lettre Technologique, N°10, Septembre 2010
Fabrice Peltier, une vie dédiée au design packaging
À l'occasion des 25 ans de l'agence P'Référence et de la première année de la Designpack Gallery, Emballages Magazine a rencontré leur fondateur, Fabrice Peltier.
Designer, président de l'INDP, galeriste, expert pour l'ONUDI, écrivain...comment réussissez-vous à tout faire ?
Fabrice Peltier : Il est parfois compliqué de gérer plusieurs activités en même temps, mais c'est tellement passionnant ! Et puis, je n'ai pas tout commencé en même temps. J'ai créé l'agence P'référence il y a bientôt 25 ans puis au hasard des rencontres, j'ai commencé à écrire des articles, notamment pour Emballages Magazine en 2000. Ceci m'a donné envie de commencer une collection de livres dédiés au design packaging en 2006. J'ai décidé de créer l'Institut national du design packaging, (INDP) et la Designpack Gallery pour oeuvrer à la reconnaissance du design packaging, l'un de manière institutionnel, l'autre de façon plus personnelle. L'INDP est maintenant une structure qui fonctionne très bien par elle-même.
Emballages Magazine : La Designpack Gallery vient de souffler sa premi?re bougie. Quel est le bilan de cette première année ?
F.P. : En un an, la Designpack Gallery a accueilli quelque 18 000 visiteurs - grand public et professionnels -. Nous avons eu que des retours positifs : preuve que la galerie comble un manque. Car, plus qu'une salle d'exposition, la Designpack Gallery est un véritable centre de ressources du design packaging : des cycles de conférences sur ce thème sont organisés ; la petite librairie, ne regroupant que des ouvrages consacrés à différents aspects du design packaging, vend une centaine de livres par mois. Je suis vraiment ravi de ce résultat. La Designpack Gallery est ma " danseuse ". Pendant 25 ans, j'ai fait de la création pour des clients. Ici, je fais ce que je veux, je choisis les artistes et les objets dont j'ai envie.
Au printemps, vous avez commencé une autre activité pour la promotion du design packaging : expert auprès de l'ONUDI. En quoi consiste votre mission ?
F.P. : L'ONUDI (Organisation des Nations Unies pour le développement industriel) a fait appel à moi afin d'assister techniquement des industriels et des designers libanais. Le but est de les aider à se mettre à niveau sur tous les aspects du design des emballages, afin de développer leurs exportations. Je donne également des conférences et je participe à un programme de formation sur les bonnes pratiques en matière d'innovation et de développement durable appliquées au secteur de l'emballage.
L'éco-conception est une voie que P'Référence explore depuis quelques années déjà. Qu'apporte une agence de design dans ce domaine ?
F.P. : P'Référence a acquis une vraie légitimité en ce qui concerne l'éco-conception. Nous aidons nos clients sur l'éco-design des packs, mais également sur la manière de communiquer leur éco-engagement.Ils sont encore dans le flou, nous essayons de les aiguiller sans qu'ils tombent dans le greenwashing.
Quels sont vos prochains projets ?
F.P. : En fin d'année, nous préparons un événement : la Designpack Gallery va s'illuminer pour mettre en valeur le recyclage et fêtrer les 25 ans de P'Référence. Ensuite les Pentawards 2009 seront exposés en début d'année 2010. Je travaille actuellement sur un nouveau livre et sur le programme des prochaines expositions. Côté agence, j'espère que 2010 sera une meilleure année que 2009. En effet P'Référence ne fait pas exception et souffre comme toute la profession. Nous avons toutefois de beaux projets pour l'année prochaine. Pour l'instant, je ne vous en dirai pas plus.
Mirabelle Belloir, EMBALLAGES MAGAZINE n°919, octobre 2009
Interview de Fabrice Peltier
ÉTIQ&PACK : Vous avez fondé P'REFERENCE en 1985. Dans quelles circonstances ?
Fabrice Peltier : Aprés avoir étudié les arts graphiques au lycée Jean Bart à Grenoble (rebatisé Argouge), je suis "monté" à Paris au début des années quatre-vingt, continuer mes études au sein de l'École Estienne. Les professeurs n'avaient de cesse de nous répéter "soyez autonomes". J'ai alors pris la consigne au premier degré. J'ai donc commencé à démarcher des clients et à chercher des projets à réaliser. Tant et si bien qu'à la fin de ma scolarité, je ne répondais plus aux problématiques proposées par les enseignants, mais aux briefs de mes clients!
En 1985, l'affluence de travail à laquelle j'étais confronté m'a permis de créer l'agence. Né d'une mère institutrice et d'un pére ingénieur, tous les deux fonctionnaires, avec une formation artistique, je n'étais pas familier de la gestion d'une entreprise.
Quelles ambitions aviez-vous pour l'agence, au débuté?
F.P. : C'est assez simple. Entre 1985 et 1998, j'étais obsédé par la croissance de l'agence. Nous étions arrivés à un effectif de plus de cinquante personnes. P'RÉFÉRENCE faisait partie des cinq premières agences (en terme de taille) d'après un classement du magazine Stratégie.
Aujourd'hui, je n'ai plus cette philosophie. Je me suis ouvert à pleins d'autres choses. Je choisis mes clients. Je n'ai plus ce désir de croissance. Je ne recherche pas des briefs. Je veux travailler sur des projets intéressants, en me faisant plaisir avant tout.
À quoi est dû ce changement ?
F.P. : En 1998, un accident sur le Rallye de Tunisie me cloue sur une chaise roulante. J'ai passé de longs mois de rééducation avant de pouvoir marcher. J'ai beaucoup réfléchi. Et c'est à partir de ce moment que j'ai eu la volonté de sortir mes propres produits et de communiquer.
J'ai ainsi commencé à écrire des articles dans les revues professionnelles. Ensuite, j'ai été la principale source d'informations de l'ouvrage L'impact du pack (aux Éditions Pyramyd). Puis je suis devenu directeur de la collection ID Pack. L'année dernière, j'ai publié L'eau source d'innovations et La boîte solution d'avenir. Je prépare en ce moment L'art et le packaging et L'éco conception, deux ouvrages réalisés, à l'instar des deux premiers, pour faire découvrir de manière graphique et didactique les aspects les plus surprenants de l'univers du packaging.
Comment fonctionne l'agence aujourd'hui ?
F.P. : Nous sommes vingt-cinq personnes. Quatre grands pôles structurent l'agence : communication, identité, espace et volume. Nous offrons à nos clients un grande valeur ajoutée créative et un accompagnement dans la durée, pour que leurs projets voient le jour dans les meilleures conditions. Nous avons dégagé en 2006 une marge brute de 3,5 millions d'euros.
Il n'y a pas de commercial dans votre équipe. Pouvez-vous expliquer ce choix ?
F.P. : C'est vrai. P'REFERENCE doit bien être l'une des seules agences qui fonctionne comme ça. Nous n'avons pas une démarche commerciale classique. Nous avons un savoir-faire et nous le faisons savoir via des mailings. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les clients appellent.
Une entreprise aussi florissante (3,5 millions d'euros de marge brute en 2006) doit attirer les capitaux. Avez-vous déjà eu des propositions d'achat ?
F.P. : Oui, à plusieurs reprises. De grands groupes de publicité m'ont fait des propositions pour acheter l'agence. Mais je pense que le mariage du design et de la publicité n'est pas bon. Il repose sur un postulat erroné, selon lequel le design serait au service de la stratégie de communication. Or, c'est faux : le design est au service du produit.
Le seul mariage qui serait judicieux serait de s'allier avec un fabricant d'emballage. Ce dernier doit apporter des solutions d'emballage, de véritables innovations. Intégrer le design chez le fabricant serait le faire rentrer dans l'industrie. Vous voyez, je ne suis pas réfractaire à toute alliance. Encore faut-il qu'elle soit judicieuse.
Sur le site internet de l'agence, vous avez mis en vente vos propres produits. À quelles fins ?
F.P. : Chaque année, nous créons un produit événementiel. Ce rendez-vous est l'occasion de démontrer notre créativité et notre savoir-faire. Ces réalisations ont toutes un point commun : elles utilisent l'emballage comme support pour communiquer sur un fait marquant de l'actualité. En 2000, nous avions créé "Le Dernier Bol d'Air du XXème siècle" : de l'air de l'ancien millénaire avait été saisi dans un bol totalement hermétique pour permettre aux générations futures de respirer une bouffée d'une autre ère. Ont suivi, en 2001 "L'eau du thé & l'eau du café", en 2002 "L'adieu au franc", en 2003 "Esprit d'enfant", en 2004 "Sécuriteuf", en 2005 "My Sleeve" et en 2006 "La nouvelle sophistication". Le but est de transformer le packaging pour dire quelque chose de plus que ce qu'il contient. Nous avons imaginé et créé des "collectors" pour vendre des idées et non un produit. Leur succés commercial a été la cerise sur le gâteau.
Certains de ces produits, tout comme les "collectors" que vous avez créés sont inventoriés au Musée de la Publicité à Paris et décrits comme des oeuvres contemporaines de qualité. Quel sentiment cela vous inspire ?
F.P. : D'habitude, on reçoit ce type de distinction lorsqu'on est mort ! Plus sérieusement, c'est honorifique. Cela fait du bien à l'égo.
Aujourd'hui, un emballage peut-il encore vous séduire ? Si oui, y en a t'il un que vous préférez aux autres ?
F.P. : Je ne suis pas encore frustré, mais je pourrais l'être car il n'y a pas assez de véritables innovations. Quand à mon packaging préféré, je ne peux pas vous répondre car j'aime le pack dans sa globalité. Mes choix vont donc être créatifs. Je n'ai pas de matériau ni de technique préférés. Et pour conclure, comme l'ont déjà dit d'autres créatifs avant moi : ma meilleure création, je ne l'ai pas encore créée...
Irène Lopez, Étiq&Pack N°6, mars 2006
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