Interviews et Tibunes libres 2020
Comment réduire le volume de nos emballages pour les fêtes ?
La fin de l’années la période la plus consommatrice en emballages. Et les réveillons confinés de 2020 devraient battre des records. Un expert nous donne des conseils pour limiter dégâts.
Dépenses, calories, boissons… La période des fêtes est celle de tous les excès et les emballages n’échappent pas à la règle. Notre consommation de boîtes, barquettes, pots et autres bouteilles augmente en moyenne de 20% durant la dernière quinzaine de décembre. Et le record devrait tomber cette année, comme l’anticipe le spécialiste Fabrice Peltier.
« Les restaurants étant fermés, même s’il y aura de la livraison à domicile, environ 75% des repas seront pris à domicile. Les gens vont faire plus de courses et vont se retrouver avec beaucoup plus de déchets issus de l’emballage, prévient-il. Les restaurants produisent eux aussi de déchets, mais ils travaillent avec de grosses quantités, de plus gros contenants et donc moins d’emballages. » Voici donc quelques conseils pour réduire nos déchets pour les fêtes.
Pour vos courses, augmentez le volume
Pour préparer les réveillons de Noël et du jour de l’an, et dans la vie de tous les jours, « Il est impératif de privilégier les emballages recyclables. » insiste Fabrice Peltier. « Il y a le verre, le papier, le métal et certains plastiques. Cela est indiqué sur l’étiquette, à côté de la liste des ingrédients. »
Selon lui, citadins et ruraux ne sont pas égaux face aux emballages. « En ville on peut faire des courses au jour le jour, sans prendre sa voiture. Il est donc plus facile d’acheter en vrac et de réduire ses emballages. En montagne ou à la campagne, c’est plus difficile car on fait ses courses moins régulièrement, surtout en cette période de covid. »
Fabrice Peltier conseille d’éviter le plus possible les emballages individuels et d’opter pour les gros volumes. » Par exemple, une barquette de margarine de 200 grammes ne contient pas 2 fois plus d’emballage qu’une barquette de 100 grammes. Il faut se dire que, oui, elle est un peu plus chère, mais elle durera plus longtemps et on fait un geste pour l’environnement. »
Comment emballerais cadeaux ?
« Pour les cadeaux, la quantité de déchets est double puisqu’il y a l’emballage originel de l’objet et le paquet cadeau. Vous remarquerez que le sac qu’on utilise pour transporter les cadeaux est souvent trop petit pour contenir les emballages une fois déballés. », illustre Fabrice Peltier.
Le papier cadeau est entièrement recyclable, donc pas de problème… sauf que certains contiennent du plastique. Privilégiez donc le 100% papier. Si vous l’avez déjà acheté, un test simple permet de savoir s’il y a du plastique (et ainsi le jeter dans la bonne poubelle) essayez de le déchirer, si le papier résiste, c’est qu’il contient du plastique. Même chose pour le ruban.
« Ne tartinez pas votre paquet de scotch, qui est un perturbateur du recyclage, ajoute l’expert. Ne chiffonnez pas le papier cadeau, car il est plus simple de recycler le papier lisse. Et remettez à plat les boîtes, cela prendra moins de place dans poubelle et donc dans le système de tri. » Enfin, une autre solution venue du Japonais fureur cette année : le furoshiki, un emballage en tissu réutilisable. Vous voilà prêts passer des fêtes plus écoresponsables que jamais.
Pierre Charles, Le Dauphiné Libéré, Jeudi 24 décembre 2020
Prendre de la hauteur
Diminuer la pollution plastique signifie-t-il tout remplacer par du carton ? Est-ce possible ? Est-ce plus vertueux que du plastique recyclé ? Fabrice Peltier, consultant et designer spécialiste de l’emballage alimentaire, porte un regard aiguisé et engagé sur l’emballage, un objet bien plus complexe qu’on ne le pense, qui cristallise tous les enjeux.
Qui se souvient de l’aviateur qui dessine une vulgaire boîte rectangle en réponse au Petit Prince, qui lui demande « Dessine-moi un mouton » ? Et de la joie du Petit Prince de voir enfin, à travers cette boîte, le mouton de ses rêves ? L’image résume bien le paradoxe de l’emballage. Il a un rôle crucial pour accompagner le produit, mais l’utilisateur final ne le voit pas. Du moins, il ne le considère pas, sinon comme un tas de déchets à jeter une fois que le produit est déballé ou consommé. Or l’emballage est un objet extrêmement élaboré, technique, qui doit remplir de multiples fonctions. Avant de mettre en valeur son produit, l’emballage doit le protéger des éléments extérieurs délétères, améliorer sa conservation, faciliter son transport en gros par l’optimisation des volumes et donc du transport, assurer une bonne mise en rayon, garantir la praticité pour le consommateur final qui s’en saisit et le porte jusqu’à son domicile. Bref, « il faut arrêter de ne considérer l’emballage que lorsqu’il est un déchet, qu’en fin de vie », avertit Fabrice Peltier.
Rappelons que l’emballage n’entait encore que papier, carton, bois, verre et matières textiles jusque dans les années 1970, où l’avènement des technologies du plastique ont créé des matériaux tellement performants qu’ils ont littéralement envahi et transformé les emballages du quotidien. Jusqu’aux outrances que l’on connaît du suremballage, du tout jetable et de la pollution mondiale par le plastique. Jusqu’au point où ce plastique, justement, est devenu la cible de campagnes de communication massives, écologistes et parfois plus opportunistes, faisant de lui l’ennemi public numéro un et de son éviction un nouveau symbole de vertu. À l’écoute des tendances sociétales, la filière fruits et légumes n’a pas tardé à prendre le sujet à bras le corps, en multipliant les initiatives privées pour réduire les plastiques dans les conditionnements. Un coup d’accélérateur a été donné en janvier dernier, avec la loi économie circulaire qui interdit littéralement tout plastique et toute matière non composable (en domestique) pour le rayon fruits et légumes à partir du 1er janvier 2022, hors lots supérieurs à 1,5 kg. Un coup de tonnerre vécu comme une injustice par la filière, avant que la crise sanitaire de la Covid-19 ne vienne à son tour rappeler que le conditionnement, synonyme d’hygiène et de praticité, est aussi un réel besoin. La frénésie récente sur le sujet et les enjeux très lourds pour les entreprises de fruits et légumes méritent bien qu’on prenne un peu de hauteur pour mieux comprendre la boîte à mouton de Saint-Exupéry.
Végétable : Que vous inspire cette marche forcée vers la suppression du plastique ?
Fabrice Peltier : Certes, aujourd’hui il n’y a pas mieux que les performances du plastique et le calendrier imposé aux fruits et légumes est injuste vis-à-vis des autres filières alimentaires, mais nous n’avons pas le choix. Il faut enlever le plastique, parce qu’on le retrouve dans les océans, parce que c’est une matière fossile. Utiliser des matériaux renouvelables est obligatoire. C’est une question d’éthique vis-à-vis des générations futures. L’interdiction du plastique s’appliquera à tous en 2030 de toute façon et représente une tendance forte au niveau de l’Europe. La filière fruits et légumes deviendra avant-gardiste sur le sujet. Nous sommes dans la bonne direction.
Quel est le plus vertueux entre du plastique que l’on recycle, du papier-carton issu de cultures agricoles ou d’autres solutions ?
F.P. : Il faut considérer la question dans une perspective temporelle. Aujourd’hui, du plastique issu de la filière de recyclage, comme le rPET, a un bon bilan carbone, meilleur que le papier-carton dont la technologie, en pleine évolution, est gourmande en ressources. Mais les bilans carbone des matériaux renouvelables sont en train de s’améliorer. La R&D est en pleine émulation. L’enjeu est vraiment de considérer la finalité à long terme de la transformation en cours, à savoir réduire drastiquement nos prélèvements d’énergies fossiles et nos rejets délétères comme le plastique ou les gaz à effet de serre.
Comment ?
F.P. : La ligne directrice se décline en trois points. D’abord, en réduisant drastiquement la part du plastique, quelle que soit son origine, biosourcé ou fossile. Car le plastique demeure ensuite un polluant dans la nature. Même les plastiques dits composables ne se dégradent en réalité que dans les conditions industrielles. Aujourd’hui, un sac plastique « composable » du rayon fruits et légumes mettra trente ans pour se dégrader dans l’océan. La seconde priorité c’est augmenter les matériaux d’origine renouvelable, papier, carton, bois, fibres textiles, etc. Et enfin, augmenter le réemploi des emballages, quels qu’ils soient. Il est tout de même absurde qu’un emballage, qui doit avoir des fonctionnalités de protection, d’usage et de résistance hors du commun, soit jeté alors qu’il conserve encore toutes ces propriétés. C’est la forme la plus ultime, voire absurde, de l’obsolescence programmée ! Souvenons-nous du principe de Tupperware®, créé en 1946, conçu pour être garanti à vie. On peut imaginer avec des emballages réutilisables tout un système de commercialisation adapté.
La meilleure solution ne serait-elle pas de se passer d’emballage ?
F.P. : C’est un leurre. L’emballage est nécessaire, à divers égards. Même dans le vrac, il faut des contenants. Des supports pour présenter les produits, puis des solutions pour que les consommateurs les emportent. Et, dans certains cas, sans emballage qui protège les produits, on augmenterait substantiellement le gaspillage alimentaire. L’impact sur la planète n’en serait pas meilleur, quand on sait que l’emballage ne représente qu’entre 5 à 7 % du bilan environnemental d’un produit alimentaire. La solution n’est pas de ne rien faire, mais de bien faire.
Concrètement, pour les fruits et légumes, que préconisez-vous ?
F.P. : L’idée est de travailler sur le « juste » emballage, celui qui rend le maximum de services pour un minimum d’impact. Je travaille avec une méthode d’écoconception, par l’analyse complète du cycle de vie de la production jusqu’au recyclage de l’emballage. Les solutions sont variables selon les produits, selon les pays, selon les circuits de distribution, etc. Aujourd’hui la majorité des emballages du marché a été conçue pour la grande distribution.
Or ces réseaux évoluent, bouleversés par les circuits de proximité, le digital, les systèmes d’abonnement... Pour inventer les justes emballages, il y a besoin d’expertise et de créativité. À cet égard, j’observe un véritable investissement de la part de grands groupes des fruits et légumes en partenariat avec des industriels, qui ont compris qu’il fallait faire de la contrainte législative une opportunité et se sont mis en mouvement. Ils ont compris qu’il ne fallait plus dépendre des fournisseurs, de leurs propres sous-traitants, qu’il ne fallait plus subir, ne plus agir en amateur. Maîtriser, internaliser la question de l’emballage, c’est se garantir un aspect fondamental de la survie de leur entreprise. Il n’y a pas de temps à perdre à essayer de lutter contre le législateur, c’est une lame de fond.
Le papier-carton peut-il totalement remplacer le plastique ?
F.P. : Par rapport au plastique, les matériaux en papier-carton présentent encore trois principaux freins : le manque de transparence, la perméabilité et l’importance du rapport poids-résistance. Aujourd’hui, ces inconvénients sont souvent résolus par l’adjonction d’une faible quantité de plastique en plus du papier-carton. Par exemple, une fenêtre en plastique (qui peut être biosourcé, comme l’acétate de cellulose) pour rendre le produit visible à l’intérieur d’une poche papier ou d’une barquette carton. Ou encore l’adjonction d’une très fine pellicule de plastique dans une poche papier pour l’imperméabiliser, comme dans les briques alimentaires. Ces techniques permettent de réduire drastiquement les quantités de plastique utilisé et n’empêchent pas le recyclage du papier-carton, qui sont admis dans les filières dans la mesure où la quantité de plastique est minoritaire. Néanmoins, ces solutions ne seront plus admises dans le rayon fruits et légumes à compter de 2022. La recherche en la matière est extrêmement active, des technologies comme la chromatogénie* pourrait permettre de rendre le papier-carton hydrophobe, donc étanche, sans ajout de matière. D’autres travaux cherchent à alléger ces matériaux, encore volumineux et lourds. Ce sont des projets en cours de développement. De nouvelles usines sont en train de se construire en Europe.
* Procédé chimique biocompatible sans solvant qui rend imperméable à l’eau tout matériau à base de fibres de cellulose.
Cécile Parly, Végétable, Octobre 2020
Pas d’emballage, pas de chocolat
Dans une société en questionnement et en mouvement face aux enjeux environnementaux que plus personne ne peut ignorer, les emballages sont plus que jamais pointés du doigt par les consommateurs et les ONG, observe dans cette tribune Fabrice Peltier, expert reconnu du design packaging et pionnier de l’écoconception. En réaction, les pouvoirs publics légifèrent : l’interdiction de mise sur le marché de certains emballages en plastique à usage unique n’est qu’un début. L’ensemble du secteur de l’emballage n’a plus le choix, il est sommé d’apporter rapidement des alternatives pour mieux respecter l’environnement.
Selon un sondage Ifop, réalisé le 13 mai pour le salon ALL4PACK, les consommateurs expriment de fortes attentes sur les emballages : 81% des sondés préféraient des produits qui nécessitaient moins d’emballage avant l’épidémie de Covid-19 et ils sont restés une majorité, 60%, à ne pas avoir modifié leur comportement malgré la crise sanitaire. Une tendance qui semble bien ancrée et qui appelle à des changements radicaux chez les industriels pour la conception d’emballages plus facilement recyclables, voire réutilisables. Dans ce même sondage, 61% des personnes interrogées aimeraient que les industriels consacrent davantage d’efforts dans la conception d’emballages durables.
Cette aspiration ne date pas d'aujourd'hui et a été suffisamment forte pour faire agir nos politiques. Avec la loi Économie circulaire, promulguée en février dernier, l’interdiction des emballages non recyclables est désormais actée pour 2030. Elle vaut pour tous les matériaux et devrait se généraliser pour tous les pays de l’Union européenne dans les prochains mois. Des objectifs ambitieux pour accroître les taux de recyclage des emballages sont fixés ainsi que des objectifs d’intégration de matière recyclée dans leur composition. De plus, la commercialisation de certains produits pourrait être conditionnée à l’incorporation de matière première recyclée. Pour atteindre tous ces objectifs, un plan quinquennal de réduction, réemploi et recyclage (3R) sera défini par décret pour la période 2021-2025, puis sera revu tous les cinq ans…
Le réveil a sonné, il est temps de se réveiller, la révolution de l’emballage est bien en marche !
Force est de constater que les consommateurs veulent toujours plus : des emballages plus faciles à utiliser, plus faciles à ouvrir et à refermer ; en même temps des emballages plus respectueux de l’environnement, 100% recyclables, biodégradables, réutilisables… Tous les résultats d’études convergent dans ces deux domaines vers des scores qui avoisinent les 100 %, si bien qu’il ne s’agit plus d’une tendance pour l’emballage, mais d’un véritable prérequis. L’emballage de demain devra obligatoirement être plus pratique et plus respectueux de l’environnement. Ceux qui pensent qu’une nouvelle tendance pourrait ébranler cette conviction des consommateurs se trompent. Il n’y aura pas de retour en arrière.
L’épidémie de Covid-19 a remis les pendules à l’heure
L’épidémie de Covid-19 a rappelé la raison d’être de l’emballage. Sans contenant, la sécurité alimentaire, la consommation et la distribution de certains produits se révéleraient tout simplement impossibles ! Le Premier ministre le soulignait dès le 19 mars devant les députés. Ce secteur joue un rôle crucial et s’avère indispensable à la distribution des denrées alimentaires, mais également au maintien de l’activité des secteurs stratégiques de la Nation. L’enquête réalisée début avril par Elipso le confirme, la moitié des fournisseurs d’emballages pour l’alimentaire, dont les produits sont destinés à la grande distribution, ont dû faire face à une hausse de leur activité depuis le début de la crise sanitaire.
Alors oui, l’emballage est utile. Après plusieurs années d’attaques répétées et l’arsenal législatif qui se met en place, les enseignements du Covid 19 permettent de redorer le blason de l’emballage. Faut-il encore rappeler que la formule « le meilleur emballage est celui qui n’existe pas » est encore en vogue. Ce à quoi, les professionnels de l’emballage, ne manqueront pas de rétorquer : « Pas d’emballage, pas de chocolat ! »
La tendance plus forte que le Covid-19
Il serait vain de croire que cette crise inversera durablement la tendance profonde des consommateurs pour moins d’emballage et qu’elle émoussera leur désir profond pour qu’il soit plus respectueux de l’environnement. Bien que les circonstances sanitaires inédites nous imposent l’usage unique et l’incinération de beaucoup de ressources souillées, l’épidémie n’enterrera pas les « 3R » ! Réduction, réemploi et recyclage demeurent plus que jamais les objectifs de l’emballage vertueux d’après Covid.
Plutôt que de tenter de revenir sur les avancées règlementaires annoncées en début d’année, le secteur de l’emballage devrait en profiter pour ressortir grandi de cette crise. En profiter pour se réinventer, en affirmant qu’il est plus sûr, plus protecteur, tout en étant écoconçu pour éviter toute forme de gaspillage du contenant comme du contenu. Cela permettra, espérons-le, de changer, de façon durable, le regard qui est porté sur l’emballage et sur un secteur qui mériterait aussi de temps en temps quelques applaudissements.
Certaines entreprises se sont lancées dans cette révolution, chacune avec leurs convictions, leurs solutions. De nombreuses innovations apparaissent un peu partout dans le monde aussi. La Révolution de l’emballage, nouveau Livre blanc qui sera publié cet automne dans le cadre du prochain salon l’emballage All4Pack Paris, permettra de dresser un panorama et un décryptage des nombreuses solutions émergeantes qui feront que l’emballage sera toujours plus performant et plus respectueux de l’environnement.
Par Fabrice Peltier, LSA, le 26 juin 2020 et Emballages Magazine, le 10 juillet 2020
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