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C'est juste ce que j'en dis...

Interviews et Tribunes libresd 

 

« Il faut réévaluer les besoins afin d'utiliser le bon matériau »

Fabrice Peltier,
designer et consultant en packaging, milite depuis plus de 20 ans pour un équilibre entre fonctionnalités et impact environnemental. Une approche du « juste emballage » qui, aujourd’hui, trouve son chemin chez les industriels. Entretien.

Fabrice Peltier - RIA

RIA : Pouvez-vous revenir sur votre concept du « juste emballage », notamment dans le cadre réglementaire actuel ?
Fabrice Peltier : C’est effectivement une idée sur laquelle je travaille depuis longtemps, mais qui trouve toute sa pertinence et sa légitimité avec les obligations réglementaires actuelles. Il s’agit d’avoir une approche de l’emballage plus rationnelle en se posant une question simple : ses fonctionnalités sont- elles réellement adaptées aux besoins du produit ? L’opinion a souvent tendance à l’oublier, mais sans emballages, il n’y aurait pas de produits. Ils assurent la conservation des aliments et sont indispensables à leur distribution. Avec l’arrêt prévu des emballages à usage unique, il s’agit d’avoir une approche plus réfléchie car nos emballages sont parfois des champions des fonctionnalités inutiles.

RIA : Pouvez-vous détailler ce que vous nommez « fonctionnalités inutiles » ? 
F.P. : Elles existent sous plusieurs formes : ce sont des fonctionnalités soit non essentielles aux produits, soit trop performantes par rapport aux besoins de protection, de conservation, de commercialisation ou d’utilisation du produit... Les industriels ont déjà fait de gros efforts sur la réduction à la source de la quantité de matériau utilisé. En revanche, le point des fonctionnalités indispensables et nécessaires appelle un véritable changement de paradigme. Jusqu’à présent les industriels ont privilégié les matériaux les plus performants – souvent des plastiques – pour garantir tout et n’importe quoi. C’est une approche disproportionnée : en matière d’emballage, nous avons fabriqué l’équivalent de fusées Ariane pour seulement traverser la rue ! Il faut donc réévaluer les besoins afin d’utiliser efficacement le bon matériau. Et parmi les fonctionnalités à prendre en compte, il y a évidemment celle de la fin de vie des emballages.

RIA : Avec l’approche dite « 3R » (réduire-recycler-réutiliser), les pouvoirs publics ont choisi d’orienter les travaux vers de nombreuses pistes. N’est-ce pas contre-productif ?
F.P. : Pas du tout ! Selon moi, ces volets sont liés. Nous devons pouvoir recycler et faire tourner en boucle les emballages. Mais même avec le développement de l’économie circulaire, il nous faudra réduire les volumes dans les prochaines années, afin de limiter les déchets. Nous pourrions nous dire que la diminution des volumes d’emballages plastiques est incompatible avec la pérennité d’une filière de recyclage qui, justement, nécessite des gisements. Mais c’est encore loin d’être le cas : nous avons déjà fort à faire pour traiter à 100 % le gisement actuel. Cependant, compte tenu de l’évolution des techniques de tri et des efforts d’écoconception, je suis sûr que nous sommes dans la bonne direction.

RIA : Le réemploi ne va-t-il pas entrer en compétition avec le recyclage ? 
F.P. : Non, car le réemploi ne va pas être possible pour tous les produits, ni pour toutes les zones géographiques. Nous allons, par exemple, en avoir besoin pour le vrac alimentaire qui est appelé à se développer. Les solutions vont coexister les unes à côté des autres. Tout cela combiné va nous permettre de prévenir la prolifération des déchets.

RIA : Vous avez travaillé avec Citeo sur une gamme d’emballages standards pour le réemploi. N’est-ce pas là un problème pour l’image des marques ?
F.P. : Il ne faut pas surestimer l’impact des formes d’emballages dans l’identité des marques. Bien sûr, on pense à la bouteille de Coca ou d’Orangina, mais concrètement le gros des ventes de ses marques ne se fait pas sur ces bouteilles « iconiques ». Dans les faits, la majorité des emballages mis sur le marché ont des formes relativement standards. Les marques utilisent déjà massivement des emballages relativement identiques et la différenciation se fait surtout par le graphisme imprimé directement sur le contenant ou sur une étiquette. Cette objection n’est donc pas vraiment justifiée et du point de vue du consommateur, pas de nature à freiner l’adoption du réemplo

Propos recueillis par Alexandre Couto, RIA N°860, Novembre 2023d

 

Fabrice Peltier : « Un contenant réemployable doit passer par les mêmes lignes qu’un emballage à usage unique »

Fabrice Peltier, designer et expert éco-conception des emballages, présentera des dispositifs d’emballages réemployables et réutilisables lors des « Assises nationales du réemploi », au salon Prod & Pack, mardi 21 novembre à Eurexpo Lyon.

Fabrice Peltier - Process Alimentaire

Process Alimentaire : Quel est le principal défi à relever pour déployer l’écosystème du réemploi à l’échelle nationale ?
Fabrice Peltier :
À mon sens il y a plusieurs défis. Un défi industriel bien entendu, mais surtout un défi consommateur. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai créé le logo « R Cœur » qui sera gravé sur les emballages standards développés par l’éco-organisme Citeo. C’est le geste du cœur du consommateur qui fera que le réemploi marchera ou pas. On peut faire tout ce que l’on veut. Si le consommateur ne ramène pas ses emballages et n’adhère pas au réemploi, ça ne fonctionnera pas.  

P.A. : Comment embarquer le consommateur ?
F.P. : Il faut bien comprendre que le réemploi est un autre parcours client que celui de l’emballage à usage unique. Il va falloir faciliter, peut-être dans certains cas récompenser, dans d’autres valoriser, de manière à ce que le consommateur y trouve un certain intérêt. C’est là qu’on peut avoir le plus d’inquiétudes et qu’il va falloir faire preuve de créativité.

P.A. : Quels sont les freins à ce passage à l’échelle nationale ?
F.P. : Ils sont d’abord humains. Ce sont les freins de la pensée. Ceux qui disent « on ne va pas revenir en arrière ». Il y a aussi des réticences marketing. Du point de vue des industriels, les outils de production existent depuis 30, voire 60 ans, avec des process qui fonctionnent parfaitement. Le réemploi impose une remise en question. Ce changement « forcé » est difficile à accepter.

"C’est une révolution industrielle qui part du principe qu’un emballage réemployable doit passer par les mêmes lignes que l’emballage à usage unique, dans un minimum de temps et de réglage. Donc il est hors de question qu’il y ait une ligne spécifique dédiée à l’emballage réemployable". Fabrice Peltier, designer.

P.A. : Qu’en est-il de la mise en œuvre industrielle ?
F.P. : Nous sommes en train de résoudre cette problématique. C’est une révolution industrielle qui part du principe qu’un emballage réemployable doit passer par les mêmes lignes que l’emballage à usage unique, dans un minimum de temps et de réglage. Donc il est hors de question qu’il y ait une ligne spécifique dédiée à l’emballage réemployable. On va peut-être se retrouver avec des marchés qui basculeront majoritairement sur le réemploi, certains à 50/50 et d’autres à seulement 20 %. Cela passe par de l’audit. Ma méthode d’éco-conception consiste à regarder dans les usines comment ça marche, d’interroger les personnes qui sont dans la chaîne de valeur et dans le cycle de vie de l’emballage afin de prendre en compte toutes les contraintes.

P.A. : Quelles sont les caractéristiques des emballages réemployables et réutilisables que vous avez contribué à concevoir avec Citeo ?
F.P. : Cet emballage doit être récupérable, nettoyable, lavable, contrôlable, re-palettisable. Nous devons lui amener des fonctionnalités propres à ce cycle de vie complémentaire, parfois totalement invisibles mais qui sont bien là. Avec la juste quantité de matériaux pour qu’il soit réemployable et toujours recyclable en fin de vie. Nous avons démarré avec une gamme en verre qui a été présentée officiellement en mai dernier. Mais nous travaillons sur d’autres matériaux : inox, plastique, acier. Nous avons 18 marchés à adresser. In fine, nous aurons une gamme d’un peu plus d’une vingtaine de contenants pour l’alimentaire.

P.A. : Quand ces emballages seront-ils mis à disposition ?
F.P. : Les premiers emballages en verre sont prêts à partir en production et devraient sortir au premier semestre 2024. Et, d’ici la fin de l’année 2024, des emballages standards en inox devraient aussi voir le jour. Tout cela suit un processus qui peut paraître long mais qui, vu les enjeux, est tout à fait raisonnable.

Propos recueillis par Marion Despouys, Process Alimentaire, Hors-série, Novembre 2023d

 

Paroles d'acteurs - Fabrice Peltier

Élu à Combloux et au SITOM des vallées du Mont-Blanc. Designer et conseiller en éco-conception d'emballages

Fabrice Peltier - Tri&Moi - Sitom des vallées du Mont-Blanc

Tri&Moi : Pouvez-vous nous dire en quoi consiste votre métier ?
Quel est le lien avec notre geste de tri ?
 

Fabrice Peltier : Je crée des emballages pour les produits de grande consommation depuis 1985, une époque où nos déchets, y compris les emballages, étaient déposés dans des décharges à ciel ouvert.
J’ai toujours été convaincu qu’en tant que créateur de ces emballages, j’avais une responsabilité sur leur devenir. Dès le milieu des années 1990, je me suis intéressé au recyclage des emballages et en suis devenu un fervent défenseur et un promoteur des bons gestes de tri.
J’ai œuvré en pionnier de l’écoconception dès la fin des années 1990 pour mettre sur le marché des emballages plus respectueux de l’environnement. En effet, au-delà d’inventer « l’info tri » sur les emballages en 2004, soit plus de dix ans avant qu’elle ne soit généralisée, je conseille et accompagne les marques pour qu’elles utilisent des emballages « 3R » : réduit au minimum, réutilisables si possible et dans tous les cas recyclables. Et là encore une devise accompagne mon travail : « faire de l’écoconception sans oublier la recyclo-conception. »

T&M : Quel est à l’avenir pour les emballages non recyclables ? 
F.P. : Je vais être catégorique : ils n’en ont pas !
Le nouveau règlement européen sur les emballages et déchets d’emballages (PPWR) fixe un taux de 100% d’emballages recyclables mis sur le marché à partir de 2030.
Autrement dit, à la fin de cette décennie, il ne sera plus possible d’emballer des produits dans des emballages qui ne disposeront pas de filière de recyclage. Ainsi, tous les emballages que nous déposerons dans le bac de tri seront recyclables.

T&M : Quelles sont les grandes tendances de l’emballage les plus prometteuses pour l’avenir ?
F.P. :
L’emballage de demain sera recyclable. C’est une bonne chose. Et je dirais après tant d’années d’engagement pour cette cause : enfin !
Cependant, ne nous emballons pas. Mettre sur le marché des emballages à usage unique recyclable ne doit pas devenir un alibi pour en utiliser toujours plus. Notre véritable combat c’est la réduction des déchets qui suivent une courbe de croissance qu’il faut absolument inverser. Aussi, je pense que nous allons entrer dans une nouvelle ère pour l’emballage : celle du réemploi et de la réutilisation.
Là encore les nouvelles réglementations à venir vont pousser à la transition. Des taux ambitieux sont d’ores et déjà fixés et pour les atteindre l’emballage à usage unique pour certains produits lorsqu’il n’est pas indispensable et nécessaire va être interdit. Le réemploi est pour moi la phase ultime de la Révolution de l’emballage. J’ai présenté les premiers modèles de ces nouveaux emballages réemployables standardisés en janvier dernier à Paris. Je pense que nos petits-enfants diront demain lorsqu’ils les utiliseront et les retourneront pour qu’ils soient nettoyés et réutilisé : « tu te rends compte nos parents jetaient les emballages à la poubelle pour les recycler… », comme nous pouvons dire aujourd’hui qu’avant on roulait sans ceinture de sécurité et on fumait dans les lieux publics…

T&M : Si vous deviez décrire l’emballage du futur en quelques mots...
F.P. :
Moins d’emballages inutile, moins d’emballages à usage unique, plus d’emballages réempoyables et dans les deux cas des emballages qui intégreront le plus possible de matière recyclé et qui seront toujours recyclable en fin de vie, même après 25 à 50 utilisations…

Propos recueillis pat Tri&Moi, SITOM des vallées du Mont-Blanc, Juin 2023d


Avec du recul...

Lorsque j’évoque la révolution de l’emballage, je parle de multiples «R» : réglementer, respecter, renoncer, réduire, recycler, recharger, réutiliser, réemployer, réinventer. À la fin d’All4Pack emballage Paris, un nouvel «R» s’impose : celui de prendre un peu de... recul.

Fabrice Peltier - tribune libre Emballages Magazine

Je montre lors de mes conférences, depuis la sortie de La Révolution de l’emballage - Première période, L’Émergence de nouvelles solutions, une frise temporelle qui commence à l’année 2018 et court jusqu’en 2035. Celle-ci indique six grandes périodes pour la révolution de l’emballage, selon des étapes qui correspondent, à mon sens, à des changements majeurs qui arriveront inexorablement dans notre société de consommation, mais pour lesquels les solutions d’emballage sont imparfaites ou restent à inventer. Et une chose est certaine, ces points d’étape remettent en cause les couples contenant-contenu qui aujourd’hui sont efficients, optimisés depuis de nombreuses années et qui, comme on le dit dans le monde du business, « font le job ». Cela génère donc chez les industriels de l’emballage et les metteurs en marché de l’incompréhension, de la frustration, de l’incertitude et peut être perçu comme une forme d’injustice. En effet, le législateur, qu’il soit français ou européen, n’entend rien à l’emballage... Quoi de plus normal, ce n’est pas son job! Alors on commente, on parlemente, on invective, on tire sur tout : la réglementation, les initiatives et les innovations qui remettent en cause les positions établies. Normal, me direz-vous! Il faut bien se défendre... Mais se défendre de quoi ? Car nous sommes tous d’accord sur le fait que l’emballage idéal n’existe pas et que même supprimer l’emballage n’est pas la meilleure solution pour préserver l’environnement. Car, à part les sceptiques en tout et n’importe quoi, il faut bien reconnaître que nous avons un problème d’emballage à résoudre pour continuer d’améliorer les conditions de vie de l’humanité, tout en sauvegardant la mère nourricière et protectrice : notre planète. Le seuil symbolique des 8 milliards d’habitants dans le monde a été atteint le 15 novembre dernier, quelques jours avant l’ouverture du salon. Pour l’Organisation des Nations unies (ONU), « cette croissance sans précédent » est le résultat « d’une augmentation progressive de la durée de la vie grâce aux progrès réalisés en termes de santé publique, de nutrition, d’hygiène personnelle et de médecine ». L’emballage a contribué à ce progrès, dans la mesure où il l’a accompagné pour acheminer les denrées, les médicaments, jusqu’aux populations les plus démunies. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) le rappelle régulièrement. Mais l’ONU y voit aussi un rappel – nous étions en pleine COP27 – de « notre responsabilité partagée de prendre soin de notre planète », car « la croissance démographique amplifie l’impact environnemental du développement économique ». Nous sommes arrivés à un stade où il n’est plus possible de faire comme avant. Des défis à relever s’imposent et ne peuvent s’opposer d’aucune manière, comme c’est – hélas! – encore trop souvent le cas : diminution du réchauffement climatique, épuisement des ressources fossiles, hausse des coûts de l’énergie et des matières premières, fermeture du robinet de déchets terrestres et marins, protection de la bio- diversité, appauvrissement des terres, lutte contre toutes les formes de gaspillage... 

Solution miracle !

La couverture de mon nouveau livre montre une manifestation où tous les participants brandissent leurs arguments, parfois totalement contradictoires, en essayant de nous persuader qu’ils ont la meilleure solution d’emballage : la solution miracle ! Dans cette deuxième période de La Révolution de l’emballage, j’ai souhaité démontrer que nous étions encore dans une phase d’expérimentation, avec des solutions qui ne sont que l’optimisation d’existantes et certaines avec des solutions plus novatrices, qui sont loin d’être abouties et, dans tous les cas, transitoires. J’ai voulu donner la parole à leurs metteurs en marché pour qu’ils s’expriment librement sur leurs convictions, leurs ambitions et leurs objectifs. En lisant leurs témoignages, nous comprenons bien que la révolution est en cours et que le chemin sera encore long pour arriver à un emballage mieux adapté aux impératifs de demain...

J’ai observé et écouté les visiteurs de mon exposition, j’ai lu les commentaires sur les réseaux sociaux. La plupart des solutions présentées, tant dans le domaine des papiers-cartons, des plastiques, que dans celui de la réutilisation et du réemploi, bénéficient trop souvent d’un jugement à «l’emporte-pièce». En effet, elles sont tou- jours comparées à des solutions existantes qui jouissent de décennies de perfectionnements et leurs commentateurs pointent fréquemment le seul aspect environnemental, qui est certes moins avantageux, en en occultant bien d’autres. On oppose « telle chose » à « telle chose », le plastique au papier-carton, le recyclé au biosourcé, le recyclage au compostage, l’usage unique à l’usage multiple, le préemballé au vrac... Prenons un peu de recul. Ayons l’honnêteté, comme j’essaie de le faire depuis toujours, de souligner les forces et les faiblesses de chaque solution afin d’en établir un choix éclairé. Je ne suis ni pour ni contre tel matériau ou telle solution, je suis pour un emballage raisonné et raisonnable : un « juste emballage » ! Mais sachez qu’avec le Recul, je sors de ce salon avec une conviction chevillée au corps : la révolution de l’emballage, il y a ceux qui la feront et il n’y aura plus les autres...

Par Fabrice Peltier, Emballages Magazine, décembre 2022d

 

Fabrice Peltier, consultant expert en design packaging

L’évolution de l’emballage imprimé est dictée par celle du commerce et la volonté de marques de produire d’une façon plus écoresponsable.

Fabrice Peltier - Caractere

Fabrice Peltier, expert reconnu dans le monde de l’emballage, designer, consultant et auteur de livres, a accepté de répondre à nos questions sur des thèmes aussi complexes que la substitution du plastique par le carton, le zéro plastique, l’écoconception, l’essor du vrac ou encore le développement du e-commerce. Autant de sujets qui contribuent à faire évoluer le marché de l’emballage, considéré, à tort ou à raison, par les imprimeurs comme un eldorado ou une sorte d’échappatoire à la dématérialisation. L’emballage est pourtant accusé de bien des maux de la surconsommation, faisant, tout comme l’imprimé publicitaire, l’objet de controverse.


Caractère : Les imprimeurs généralistes offset considèrent l’emballage carton plat et les étiquettes comme des marchés porteurs. Est-ce exact ?
Fabrice Peltier :
Alors que la communication imprimée ne cesse de décroitre, l'emballage est un marché porteur qui n’est pas près de s’arrêter. Tout simplement car tous les produits sont emballés ou nécessitent de l’être. L'emballage revêt deux fonctionnalités essentielles. La première est de protéger ce qu'il contient, la deuxième est d'informer le consommateur sur les produits. L’emballage, qui est la septième industrie mondiale et la sixième en France, présente des perspectives de croissance, car elle profite de l’essor du e-commerce.

C. : L’emballage en carton ondulé est souvent considéré hors de portée par les imprimeurs indépendants, qu’en pensez-vous ?
F.P.
 : L’impression numérique est venue démocratiser ce marché longtemps réservé aux spécialistes de l’impression flexo. À partir du moment où ils sont prêts à réinvestir sur des machines et qu’ils acquièrent les compétences, les imprimeurs généralistes peuvent avoir une carte à jouer. Aujourd’hui, on imprime sur toutes sortes de substrats, la feuille de papier n’étant qu’un support parmi d’autres. Le savoir-faire de l'imprimeur, en tant que reproducteur et spécialiste du traitement de l'image, de la colorimétrie, reste le même métier. Les bases sont identiques.

C. : Comment expliquez-vous la volonté de substitution du plastique par le carton ?
F.P.
 : Il existe deux raisons qui poussent les marques à passer d’un emballage plastique à un emballage papier-carton. La première raison est de diminuer le plastique à usage unique, qui même recyclable et bien collecté, n’est pas à l’abri de fuites. Il suffit d’un coup de vent pour qu’un emballage plastique s’envole dans la nature, avec le risque de finir dans un cours d’eau où il mettra des centaines d’années à se dégrader. Avec les fuites de papiers carton, j’oserais dire que l’on va polluer propre, car leur dégradation est plus rapide. La seconde raison qui pousse les marques à diminuer la part de plastique s’explique par le fait qu’il s’agit d’un matériau d'origine fossile, qui est donc amené à se raréfier voir à s’éteindre, si l’on en croit les prévisionnistes, et dont le prix sera forcément en augmentation.

Fabrice Peltier - CaractereC. : Remplacer le plastique par un autre matériau est-il toujours possible ?
F.P.
: Faire du zéro plastique est uniquement possible quand le produit et le besoin en emballage le permet car il n’existe pas véritablement de de solution de remplacement. La substitution du plastique ne peut être que partiel, conduisant les fabricants à devoir complexer du plastique, ou mettre du plastique séparable dans des emballages papier-carton. Le plastique reste un matériau merveilleux (en termes d’étanchéité et de conservation) quand il est bien utilisé. Avant de vouloir absolument le remplacer, il faut au préalable s’interroger sur notre utilisation du plastique. Est-il nécessaire ? Comment limiter son impact ? C’est précisément ce que font les metteurs sur le marché qui revoient leur utilisation du plastique, plus facilement recyclable, ou du plastique d'origine issu de la biomasse ou de matériaux renouvelables.

C. : Considérez-vous que la substitution du plastique par le papier est la raison de la flambée des prix du carton ?
F.P.
: Il existe une pénurie des matières premières qui entraîne des tensions sur l’approvisionnement et les prix de tous les matériaux, du plastique au verre en passant par le carton. Le phénomène est mondial et concerne toutes les industries. La substitution du plastique par le papier-carton n’est pas responsable de la flambée des prix. L'explosion de la vente à distance et du e-commerce ou encore du Click and collect pour lesquels il existe des besoins faramineux en matière d’emballage carton, contribue à la flambée des prix pour ce matériau.

C. : Pourquoi faut-il diminuer la charge d’encre sur l’emballage ?
F.P.
: Cette action a deux vertus. La première, c'est de limiter sa consommation donc de contribuer à la réduction à la source conformément à la Directive n° 94/62/CE du 20/12/94 relative aux emballages et aux déchets d'emballages, qui demande aux metteurs sur le marché de faire de la réduction à la source. La seconde vertu, c'est de limiter l’impact sur le recyclage. Toutes les études qui ont été faites par les papetiers et les recycleurs démontrent que le rendement du recyclage est étroitement lié à la transformation du support. La manière dont on va créer nos emballages a un impact sur le recyclage. C’est un constat que j’ai fait, il y a quinze ans, et qui m’a conduit à travailler sur la notion « d’éco-encrage », travail consistant à diminuer drastiquement la quantité d'encre tout en conservant le même rendu. J'ai réduit de 20 à 25 % en moyenne l’encre sur 200 emballages de toutes les grandes marques distributeurs que j'ai étudiés. Ce travail m’a conduit à réaliser et éditer, avec Citeo, le guide de l'éco-encrage.

C. : Considérez-vous le vrac comme une menace pour l’avenir de l’emballage ?
F.P.
: Aucunement. Le nombre de produits qui nécessite de l'emballage est amplement supérieur à celui des produits qui ne le réclame pas. La nécessité d’emballer est aussi liée à l'endroit et aux raisons pour lesquelles on le vend. Néanmoins, le vrac permet de remettre les pendules à l'heure sur un certain nombre de marchés sur lesquels on emballe tout et n'importe quoi en usage unique dans des quantités trop importantes ou trop faibles. Le vrac, c'est une variante d'équilibrage qui va permettre de raisonner notre utilisation d'emballage. Supprimer l’emballage est un mythe, car même les produits en vrac nécessitent de l’emballage. Comme j’ai coutume de dire, ils n’arrivent pas avec leurs petites ailes du ciel pour atterrir dans les trémies.

C. : L’emballage compostable est-il une réalité ?
F.P.
: Avant de vouloir composter des emballages, il faudrait commencer par composter nos déchets du quotidien comme nos feuilles de salade, nos restes alimentaires, cela afin éviter qu’ils finissent dans les ordures ménagères et, par conséquent, dans des centres d’incinération, qui sont par nature consommateur d'énergie. Pour le reste, les emballages ne poussent pas aux arbres, la planète n'a pas la capacité de tout dégrader et je crois davantage au bien-fondé du recyclage et surtout au réemploi qu’au compost qui, dans le cas des emballages plastiques nécessitent des environnements industriels et donc beaucoup d'énergies pour les faire fonctionner.

C. : Est-ce qu’un monde sans packaging est possible ?
F.P.
: Personne ne s’est réveillé un matin, en disant je vais inventer un produit génial : je vais créer un emballage. Par contre, il y a des hommes et des femmes qui se lèvent le matin pour cultiver un produit qui devra être protégé, transporté, conservé, ou vendu. Comme je le dis souvent, l'emballage ne sert à rien, sauf si on a un produit à mettre dedans. Ce n’est pas l’emballage qui fait la loi, c’est le produit qui dicte le besoin d’emballage.

C. : Quelles sont les conséquences du développement constant des plateformes comme Amazon sur le marché de l’emballage ?
F.P.
: La révolution de l'emballage, auquel j’ai consacré un livre, est aussi une conséquence de la révolution du commerce. Depuis les Trente Glorieuses, le modèle de commerce dominant est celui de la grande distribution. Nous avons été éduqués pour cueillir, comme des fruits à un arbre, des produits emballés dans des rayons de supermarché. Aujourd’hui, nous assistons à l’explosion du commerce à distance, qui regroupe des plateformes comme Amazon, autrement dit le e-commerce, le Clic & collect, le Drive. Toutes les études montrent que le modèle dominant de demain ne sera plus le magasin traditionnel mais le commerce à distance. Ce n’est plus le client qui va vers le produit emballé, mais c'est le produit emballé qui va vers le client, soit pour être livré à son domicile en main propre, soit pour être livré dans un point de collecte. Les individus iront davantage dans des magasins pour vivre des expériences que pour acheter.  

Propos recueillis par Guillaume Prudent, Caractère n°801, Novembre 2022 d

 

Quels emballages fruits et légumes pour 2030 ?

Fabrice Peltier, expert dans le domaine de l’emballage, prône la révolution dans le domaine (il y a consacré deux ouvrages). Par ailleurs, il a participé, entre autres, au travail de Perle du Nord sur sa nouvelle gamme d’emballages. Pour lui, la filière fruits et légumes a été impactée en premier par la loi Agec, mais certaines racines sont plus profondes : « À une époque, les opérateurs se sont tournés vers le plastique biodégradable, ce qui s’est avéré être une décision contreproductive car composter ces plastiques devait se faire dans des conditions spécifiques qui finalement n’ont pas été bonnes pour l’océan, explique-t-il. Cela n’a pas été une opération de greenwashing, disons plutôt une erreur de communication. Et puis les entreprises ne sont pas coupables, la pression de la distribution ayant été très forte. »

Mais, en fin de compte, quel emballage pour les fruits et légumes ? Pour Fabrice Peltier une remise en cause profonde doit avoir lieu : « Des réponses à court terme sont possibles aujourd’hui. Cette révolution de l’emballage doit aller de pair avec une révolution du mode de distribution et s’interroger méthodiquement, produit par produit, sur ce qui est indispensable. Cela demande une prise de conscience, ce qui ne signifie pas faire n’importe quoi, et de se doter d’une vraie méthodologie. L’emballage ne doit plus être sur-fonctionnel mais adapté. À mes yeux, le meilleur avenir de l’emballage des fruits et légumes pourrait être dans le réemploi, avec système de consigne »

Philippe Gautier, Réussir Fruits & Légumes FLD, 15 novembre 2022
d

 

Fabrice Peltier, designer, consultant créatif et artiste engagé

Acteur incontournable du design des emballages en France depuis plus de 30 ans avec des milliers de créations à son actif, Fabrice Peltier milite pour le juste emballage et met son art au service de la protection de l’environnement.

Fabrice Peltier - Plastilien

Pouvez-vous nous décrire votre parcours professionnel ?
Il y a un peu plus de 50 ans, dès mes 8 ans j’ai été sensibilisé à la question des déchets que nous jetions dans un fossé à la sortie de mon village en Lozère et avec mes frères nous avions créé une association de protection de la nature. Il faut savoir que mon père, ingénieur des eaux et forêts, a eu comme professeur René Dumont, premier candidat écologiste à l’élection présidentielle de 1974. C’est vrai, il y a un certain atavisme dans ma famille. Après des études de design à l’Ecole Estienne à Paris, mon premier projet professionnel a été de travailler sur un emballage, secteur que je n’ai pas quitté depuis. J’ai créé ma première agence de design en 1985 et très vite j’ai été confronté à une sorte de dilemme quand je retrouvais certaines de mes créations dans les rues de Paris. Je me suis donc investi dans le recyclage des emballages. A l’époque, on se demandait ce que venait faire un designer dans cette galère, mais je me sentais responsable. Fin des années 90, mon agence P’Référence faisait partie du Top 5 des agences de design en France. Au début des années 2000, j’ai décidé d’arrêter parce que je ne supportais plus de participer à des projets où l’écoconception n’intervenait qu’à la fin quand tout était déjà ficelé. Ma grand-mère disait « ce n’est pas parce que tu vas tailler en pointe les oreilles d’un âne que tu vas en faire un cheval de course ! ». J’ai alors écrit des articles et des livres sur l’emballage, c’est ainsi qu’a démarré ma collaboration avec Emballages Magazine quand j’ai lancé le concept du juste emballage. Depuis la vente de mon agence en 2010, je me consacre à l’écoconception en tant que consultant avec ma propre méthodologie. 

Sur votre site internet vous vous présentez comme « Designer, consultant créatif et artiste engagé ! » vous pouvez nous en dire plus ?
Je n’ai jamais considéré que nous pouvions résoudre les problèmes environnementaux dus aux emballages au travers d’un discours intellectuel. Je pense que pour parler à la tête il faut toucher le cœur et non pas l’inverse. De mon point de vue, les gens comprennent mieux le statut des déchets quand je les transforme en œuvre d’art. Cela a été le cas en 2007 avec mon exposition RECYCLART de photos prises dans des centres de tri ou en 2011 quand j’ai illuminé certaines rues de Paris avec des sapins de Noël faits de bouteilles en plastique recyclées. A chaque fois, c’était une invitation à considérer différemment nos déchets qui n’attendent que ça pour reprendre vie. En tant qu’artiste engagé, je pense que l’écoconception, à l’inverse de ce que pense la plupart des gens, ce n’est pas à fonctionnalité égale mais à meilleure fonctionnalité. Je ne suis pas du tout dans une forme de décroissance même par rapport au plastique ni d’accord avec tous les discours de type « zéro ceci » ou « zéro cela ». Ce qui prime c’est la bonne utilisation qu’on fait de la matière.

Pour vous c’est quoi le design ?
Le design n’est pas l’objet, le design c’est l’expérience de l’objet. L’esthétique n’est qu’une partie du design. Le plus important pour créer un objet qui soit durable, désirable et vraiment utile c’est de réfléchir en expérience de vie. C’est comme un bon champagne, il faut associer tout un ensemble de choses, l’usage, l’expérience, le bon sens, la vie, le besoin, pour obtenir un tout harmonieux et équilibré. Il faut éviter la surconsommation, les sur-fonctionnalités de même que les sous-fonctionnalités. S’occuper de l’ensemble du cycle de vie d’un produit « du berceau à la tombe » par rapport à un besoin c’est ça faire du design tel que je le conçois.

En quoi le plastique est-il un matériau intéressant pour le designer que vous êtes ?
Je l’ai toujours dit que le plastique est un matériau génial. C’est le plus sobre et le plus économe pour finalement offrir quasiment les meilleures fonctionnalités. Il est léger, résistant, malléable, il a des propriété barrière exceptionnelles. Il peut presque tout faire. En réalité, il n’y a pas de mauvais matériau, il y a juste une mauvaise utilisation des matériaux. Pour le plastique, pendant longtemps on ne s’est pas posé la question du besoin réel d’où une surconsommation. Par exemple, il n’est pas nécessaire pour emballer une salade qui sera consommée au bureau de faire une barquette en PET avec un couvercle dont la durée de vie ne va pas excéder 30 minutes, un opercule suffit.
Le premier tort qu’a eu le plastique c’est de rimer avec usage unique, or pour l’usage multiple il est aussi bon que le verre et le métal. Donc ce que je défends c’est l’utilisation raisonnée et raisonnable des matériaux. Trop souvent en voulant aller vers le plus simple sans trop se poser de questions en termes de cycle de vie et d’expérience de l’objet on a choisi le plastique par facilité et une certaine rationalité industrielle. Aujourd’hui on ne peut plus se le permettre. Si on regarde la situation actuelle à l’aune du réchauffement climatique et de la décarbonation, c’est évident qu’il faut aller vers du plastique étant donné sa légèreté, mais si on la regarde à l’aune de la pollution dans l’environnement dont, soit dit en passant, nous sommes tous responsables, il va falloir diminuer l‘utilisation à outrance du plastique, avoir une meilleure recyclabilité et améliorer la gestion de nos déchets.

Quelle est votre appréciation du « plastic bashing » et du transfert vers des emballages complexe du type de la brique alimentaire ?
En fait, la plasturgie n’a pas voulu voir un certain nombre de choses comme je l’ai dit précédemment, c’est normal c’est le business, mais il y a eu une certaine forme d’excès. Il va donc falloir revenir à une utilisation plus raisonnable et mettre le paquet sur la réutilisation en mettant en œuvre les outils d’aujourd’hui, la RFID, l’intelligence artificielle, etc.
Si on prend le cas de de Tetra Pak, pour moi c’est actuellement autant un fabricant d’emballages en carton qu’en plastique. A mon avis, ils doivent consommer autant de plastique que la moitié des membres de Polyvia. Le problème c’est qu’ils produisent des emballages pour lesquels il est difficile de récupérer la partie plastique.  Ils doivent vraiment progresser pour résoudre ce problème. 

Le vrac, c’est la fin du designer en packaging ?
Pas du tout. Le problème aujourd’hui du réemploi et du vrac c’est qu’on détourne des emballages à usage unique qui ne sont pas adaptés. Comme les scénarios d’usage sont spécifiques, il faut concevoir de emballages spécifiques. En ce moment, je travaille sur des contenants pour le vrac en plastique pour qu’ils soient plus faciles à utiliser, plus légers que le verre et qui évitent le gaspillage alimentaire. Encore une fois, je ne me positionne pas par rapport à l’emballage mais par rapport au parcours du consommateur de produits en vrac et aux fonctions que doit remplir l’emballage. Demain, il y aura des emballages pour le réemploi, d’autres pour le vrac et toujours de l’usage unique quand on ne peut pas s’en passer pour certains produits.

Où trouvez-vous votre inspiration et comment travaillez-vous ?
Le propre du créatif, c’est l’instinct, c’est de se réveiller le matin et de ne pas être sûr, mais en même temps je suis très méthodologique quand je travaille pour mes clients tels que Nestlé, Lactel ou Bonduelle... Tout est une question de scénario. Je ne peux créer quelque chose de bien qu’au travers d’une histoire avec un début, un milieu et une fin et un retour au début. Une histoire qui prend en compte une quarantaine de fonctionnalités sur l’ensemble du cycle de vie du produit pour être sûr de ne rien oublier.

Quelles sont vos réalisations les plus marquantes ?
Mon dernier fait d’arme sera le plus important, c’est ce que je fais en ce moment sur les standards de réemploi pour CITEO. J’y ai mis toute mon expérience. La période actuelle est formidable. Ce pourquoi je me suis battu depuis plus de 25 ans prend forme en ce moment. 

Quel serait votre rêve le plus fou ?
Là où j’habite, à Combloux, je vois le Mont-Blanc de ma fenêtre. C’est un crève-cœur quand je me repense à la Mer de Glace de ma jeunesse car depuis elle a fortement diminué. Oui, si j’avais une baguette magique, j’arrêterais cette catastrophe. Comme le miracle n’aura pas lieu, j’agis à mon niveau. Mon action dans l’emballage contribue à ma neutralité personnelle car comme tout le monde j’ai des activités émettrices de CO2. C’est ma baguette magique à moi.  

Propos recueillis par Marc MADEC, Plastilien N°18, Octobre 2022 d

 

Les déchets ? Un sujet qui emballe l’auteur

Fabrice Peltier, auteur de plusieurs ouvrages sur les déchets d’emballage met en garde contre les « effets pervers » des emballages recyclables.

Fabrice Peltier - Ouest France« Nos enfants diront : « Tu te rends compte, ils jetaient leurs emballages ! » Exactement comme on dit aujourd’hui : « tu te rends compte, avant ils fumaient dans les boîtes de nuit ! » ». Fabrice Peltier a le sens de la formule pour parler des emballages et de l’urgence d’agir pour changer nos pratiques.

Les déchets en général et les emballages en particulier, c’est son truc depuis toujours. « J’ai grandi en Lozère, fils d’ingénieur des eaux et forêts. À l’époque, il y avait un dépôt d’ordures à la sortie de mon village, au bord de la route. C’était courant. René Dumont, premier candidat écologiste à la présidentielle et l’écrivain agriculteur militant, Pierre Rabhi, habitait pas loin de chez nous, j’ai grandi dans ce contexte », raconte le jeune sexagénaire. Il a toujours été emballé par le sujet, comme designer, puis comme lanceur d’alerte sur le suremballage, bien avant que l’État ne légifère sur le sujet : « Il ne s’agit pas de s’en passer. D’ailleurs, il n’y a pas de commerce sans emballage, mais il est urgent de changer nos pratiques. »

Du « tout jetable » au réemploi
Aujourd’hui, il prêche la bonne parole auprès des industriels, teste des emballages pour la presse spécialisée, collabore avec Citeo, entreprise chargée par l’État de financer et accompagner le recyclage des emballages auprès des industriels et des particuliers.

Depuis une quinzaine d’années, il a écrit plusieurs ouvrages sur la question. La Révolution de l’emballage, son dernier livre, propose des solutions alternatives au plastique, non pas en le supprimant totalement mais en travaillant sur de nouveaux composants, les matériaux biosourcés, les plastiques végétaux, marins, réutilisables… « Des pistes pour passer d’une économie du tout jetable, fut-il recyclable, à une économie du réemployable. »

C’est ce qu’il explique aux professionnels, lors des visites guidées qu’il organise dans les allées du CFIA, le Carrefour des fournisseurs de l’industrie agroalimentaire, à Rennes. Grands groupes, PME ou petits artisans, comme ce saunier de Noirmoutier (Vendée) venu « se renseigner sur des matériaux plus écologiques », tous cherchent aujourd’hui des solutions pour engager leur transition écologique. Et les emballages en font partie bien sûr.

« Ce n'est pas grave on peut recycle ! »
« Nous vivons sur un modèle bien huilé, qui roule, c’est donc difficile d’en changer, pour les fabricants comme pour les consommateurs. » Fabrice Peltier met en garde aussi contre la réglementation sur les emballages qui pourrait avoir des effets pervers. « Par exemple, l’Europe veut interdire les emballages plastiques non recyclables à partir de 2030. Il ne faudrait pas que cela serve d’alibi à tous les industriels pour abuser des nouveaux emballages en se disant ce n’est pas grave on peut les recycler. »

Autrement dit, le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas. « Encore une fois la solution c’est le réemploi. » Pour que nos petits-enfants puissent s’étonner un jour de nos pratiques d’aujourd’hui.

Laurent LE GOFF, Ouest France le jeudi 10 mars 2022d

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